Leur métier les a fait passer de l'autre côté du miroir. Alarmés par ce qu'ils y ont vu, de plus en plus de scientifiques sont tentés de s'engager dans la lutte contre la crise climatique.
Climat : l'action mondiale « très loin du compte » selon l'ONU
A quelques mois de la COP26, qui se tiendra à Glasgow (Ecosse) en novembre prochain, le compte n'y est pas du tout. « Nous sommes actuellement très loin d'atteindre les objectifs de 1,5°C ou 2°C prévus par l'accord de Paris » : Antonio Guterres, secrétaire général des Nations unies, sonne l'alarme dès l'avant-propos du dernier rapport annuel de l'Organisation météorologique mondiale (OMM), qui vient de paraître.
L'édition 2019 de ce bilan de l'état de la planète, réalisé tous les ans par l'OMM, dresse une sombre liste de tous les indicateurs de la catastrophe.
L'année dernière fut la deuxième la plus chaude après 2016 : cette année-là, la température avait été « dopée » par un intense phénomène El Niño. 2019 s'est située à 1,1°C au-dessus de la moyenne de l'ère pré-industrielle.
Les océans n'ont jamais été aussi chauds ou la concentration en CO2 dans l'atmosphère si élevée ; Les glaciers ont perdu de la masse pour la 32ème année consécutive, faisant monter les mers à une altitude inédite.
Le secrétaire général de l'ONU en appelle à une « action urgente » des Etats, de la société civile et des chefs d'entreprise : « Nous serons bientôt à court de temps pour éviter les pires impacts du dérèglement climatique et protéger nos sociétés », avertit Antonio Guterres, qui implore de « faire preuve de plus d'ambition dans la réduction [de nos émissions de CO2], l'adaptation et la finance (sic) à l'approche de la COP26 ». A lire dans Actu-Environnement (abonnés).
Le dipôle de l'océan Indien va aggraver le climat australien et est-africain
Si le gouvernement australien continue de faire comme si la crise climatique n'existait pas, celle-ci risque de se rappeler brutalement à lui. L'intensification du dipôle de l'océan Indien (DOI) contribue à aggraver de plus en plus les épisodes de sécheresse en Australie et les inondations en Afrique australe, selon une étude parue lundi dans Nature.
Le DOI est un phénomène naturel d'oscillation des températures entre les parties orientales et occidentales de l'océan Indien. Lorsque l'eau est plus chaude à l'ouest (autour de la corne de l'Afrique) qu'à l'est (au large de l'Indonésie), le dipôle passe alors en mode positif.
Certaines années, comme ce fut le cas en 2019, le dipôle de l'océan Indien connaît des phases positives « extrêmes » : l'Australie est alors sujette à des températures très élevées et à de fortes sécheresses et l'ouest de l'Afrique est frappée par des pluies torrentielles qui génèrent leur lot d'inondations.
En étudiant des récifs coralliens - fossiles ou récents, les scientifiques ont compté le nombre de phases positives extrêmes au cours des derniers siècles. En remontant jusqu'à 1240, elles et ils n'ont trouvé que 10 occurrences d'un phénomène tel que celui qu'a connu l'Australie en 2019.
Plus inquiétant, le DOI est entré en phase positive extrême quatre fois au cours des seules 60 dernières années. « Ces événements deviennent plus fréquents et nos modèles climatiques suggèrent que c'est en réaction au changement climatique causé par l'homme », a expliqué au Guardian Nerilie Abram, autrice principale de l'étude.
Les scientifiques s'attendent à voir ces phénomènes rarissimes se multiplier dans les années à venir. Pis, ceux-ci pourraient être largement plus graves que les derniers épisodes observés. A lire dans le Guardian (en anglais).
Le gros coup de blues des scientifiques du climat
Elles et ils sont passé•e•s de l'autre côté du miroir dans un voyage sans retour : l'angoisse de la fin du monde gagne irrémédiablement les scientifiques du climat.
Depuis 2014, Joe Duggan, un salarié de l'Université nationale d'Australie, prend le pouls de ses collègues écologues ou climatologues en leur posant cette question : comment vous sentez-vous vis-à-vis du changement climatique ? Comme le raconte le Guardian, des dizaines de réponses pessimistes, navrées ou désespérées qu'il a reçues, Joe Duggan en a fait un site web.
On peut y lire les états d'âmes rédigés à la main de chercheurs et chercheuses émérites, comme Katrin Meissner, directrice de recherche au centre de recherche sur le climat de l'Université de Nouvelles-Galles-du-Sud : « Ça me terrifie plus que tout le reste. Je vois des gens, assis dans un bateau, qui font des saluts joyeux de la main, qui prennent des photos, sans savoir que ce bateau se dirige droit vers une chute d'eau mortelle ».
« Il s'agit d'experts reconnus mondialement, des personnes qui ont bâti leur carrière sur des faits et des données […], entraînées à être objectives. Quand elles commencent à parler de leurs sentiments, de ce qu'elles sont frustrées, désespérées, en colère ou apeurées, nous devrions les écouter très attentivement », suggère Joe Duggan. A lire dans le Guardian (en anglais).
Savants ou militants ?
Lassé•e•s de désespérer seul•e•s dans leur labo, de plus en plus de scientifiques sont tenté•e•s de s'engager dans la bataille contre la crise climatique.
Les appels à l'action de la part de la communauté scientifique se sont multipliés ces derniers mois : ici, 1 000 universitaires qui encouragent la rébellion, là, 11 000 chercheurs et chercheuses qui militent pour une action urgente, pour ne citer que ces deux tribunes.
La crise climatique force le monde de la recherche à repenser sa place dans la société. Où se trouve la frontière entre savant et militant ? interroge le Monde dans une grande enquête au sein de ce milieu qui place l'objectivité et la neutralité au-dessus de tout.
Peu ou pas écoutés en tant que scientifiques, le seront-ils et elles en tant qu'activistes ? Peut-on s'exprimer sur des sujets dont on n'est pas expert•e ? Ne rien vouloir changer, est-ce rester neutre ? « Les scientifiques, via les financements publics, sont encouragés à travailler avec l’industrie, les militaires, mais jamais avec le monde associatif », indique au Monde Christophe Bonneuil, chercheur en histoire de l'environnement. Autrement dit, le militantisme est-il là où on le pense ? A lire dans le Monde (abonnés).
La fin des avions fantômes du coronavirus
On atterrit tout doucement. La Commission européenne est sur le point de faire cesser les vols absurdes des avions fantômes qui décollent pratiquement à vide.
Comme Vert l'avait raconté, malgré des réservations en forte baisse en raison de l'épidémie de coronavirus, des compagnies aériennes continuent de faire partir des avions parfois presque vides de tous passagers. La faute à une réglementation européenne qui leur impose d'utiliser au moins 80% des créneaux de vols qui leur ont été attribués, sous peine de se les voir retirer.
Faire payer les déchets au kilo
Avec un peu de bonne volonté, les collectivités locales peuvent sérieusement réduire leur production de déchets. Vingt ans après avoir commencé à facturer les poubelles au poids, la Communauté de communes Sud Alsace Largue a réussi à diviser par quatre la quantité d'ordures qui finissent à l'incinérateur.
Comme le raconte We Demain, cette collectivité située au sud-ouest de Mulhouse (Haut-Rhin) a initié, dans les années 1990, une politique très volontariste de réduction de ses déchets. Parmi les multiples bonnes idées mises en œuvre, la Communauté de commune a décidé de faire payer les citoyens en fonction de la quantité d'ordures générée : 48 centimes le kilo, et 90 centimes le passage du camion qui récupérera la poubelle.
Le résultat est impressionnant : il ne subsiste aujourd'hui que 63kg d'ordures ménagères résiduelles (qui ne peuvent pas être recyclées et finissent à l'incinérateur) par habitant et par an contre 261kg pour la moyenne nationale. Faisant de Sud Alsace Largue la numéro 1 du dernier classement des intercommunalités établi par l'association Zero Waste France. A lire dans We Demain.
Aurélien Barrau, « scientifique et être humain »
Il en est un qui a tranché le débat qui agite le monde de la recherche. « En parallèle [de mon activité de scientifique], je suis un être humain et donc j'ai des convictions et des combats, et il y a des choses qui me paraissent un peu plus importantes que d'autres », explique, dans un passionnant entretien à Thinkerview, l'astrophysicien Aurélien Barrau, qui porte la parole écologiste dans toutes les tribunes et sur tous les plateaux de télévision. « Là, y a quand même un truc un peu important, c'est la fin du monde. Donc ma toute petite notoriété, si je peux la mettre au service de ça, ben oui, c'est tellement plus important que tout le reste », clôt le scientifique et citoyen.