Les marteaux et les fossiles


Un numéro où l'on verra que les hydrocarbures rendent fous les rois du pétrole et les champions du charbon.

Les rois du pétrole font chuter le cours de l'or noir

Conséquence de l'épidémie mondiale de coronavirus et d'une crise géopolitique naissante entre les pays exportateurs de pétrole : le cours de l'or noir est en chute libre

Le prix du brut a dévissé de plus de 24% lors de la seule séance de ce lundi 9 mars. Le ralentissement de la demande chinoise, qui représente 14% du marché mondial, et les restrictions de déplacement à l'échelle mondiale avaient déjà fait chuter le prix du baril de 70 à 50 dollars au début du mois de mars, explique le Monde

Puis, un conflit entre rois du pétrole s'est ajouté à la crise sanitaire. En 2016, pour contrer les Etats-Unis - devenu le premier producteur mondial avec son abondant pétrole de schiste, la Russie et l'Arabie Saoudite avaient scellé une alliance. Associésà une dizaine d'autres Etats, avec lesquels ils ont fondé un cartel baptisé OPEP+ (pour Organisation des pays exportateurs de pétrole), ces deux pays ont été capables de réguler le prix du baril sur le marché mondial.

Mohammed Ben Salmane et Vladimir Poutine, en tribune lors du match Russie-Arabie Saoudite, le 14 juin 2018, pendant la dernière coupe du monde.

Or, confrontée au ralentissement de la demande au cours de ces dernières semaines, la Russie a refusé de faire baisser sa production, ce qui aurait permis de maintenir les prix à un niveau relativement élevé. Moscou semble avoir décidé de se lancer dans une guerre des prix avec les Etats-Unis. En représailles, l'Arabie Saoudite a annoncé qu'elle augmenterait, elle aussi, sa production. Entraînant la baisse d'un quart du prix du baril en une seule journée. 

Si les conséquences géopolitiques d'un tel conflit sont incertaines, il en est de même pour son impact sur l'environnement. Comme l'explique le Monde, l'abondance d'un pétrole bon marché pourrait inciter à la consommation dans les pays développés et accroître les émissions de CO2. A contrario, la chute des prix pourrait aussi décourager les investissements dans des projets chers et de moins en moins rentables. A lire dans le Monde (abonnés).

Les émissions mondiales de CO2 liées à l’électricité sont en baisse

C'est la baisse la plus importante depuis trente ans : les émissions mondiales de CO2 liées à la production d'énergie ont reculé de 2% en 2019

Selon les données publiées par Ember, un think tank londonien spécialiste du climat, cette diminution est due à deux facteurs : des températures hivernales qui s'adoucissent et un recours au charbon en baisse. L'électricité générée par les centrales à charbon a décru de 3% en 2019. Le déclin est massif aux Etats-Unis (-16%) et en Europe (-24%). 

Mais il n'est pas dit qu'il s'agisse-là d'une tendance. La Chine est désormais responsable de la moitié de la production mondiale d'électricité à partir de charbon, un chiffre encore en hausse en 2019.

Au rang des bonnes nouvelles : l'éolien et le solaire ont connu une hausse de 15% en 2019, pour atteindre 9% du mixte énergétique mondial, note encore Ember. Le think tank plaide pour que les Etats accélèrent largement le développement des énergies renouvelables, seul moyen de remplir les objectifs de l'accord de Paris. A lire dans le Guardian (en anglais).

La convention pour le climat dans sa dernière ligne droite

Les 150 Français•es membres de la Convention citoyenne pour le climat entrent dans leur dernière ligne droite. Du 6 au 8 mars, elles et ils étaient réuni•e•s à Paris pour leur avant-dernier weekend de travail.

Séance dans l'hémicycle du Conseil économique, social et environnemental, le 9 février 2020 © Compte Twitter de Fabrice Pouliquen

Dans l'hémicycle du Conseil économique, social et environnemental (CESE), les participant•e•s ont présenté et débattu les quelque 150 propositions (toujours gardées secrètes) rédigées par les différents groupes de travail thématiques. Celles-ci doivent permettre de réduire de 40% les émissions de gaz à effet de serre françaises d'ici 2030. 

Les membres de la convention ont encore jusqu'au 16 mars pour amender les mesures avancées, avant que celles-ci ne soient soumises au vote lors du prochain et dernier weekend de travail, début avril.

Si Emmanuel Macron s'était engagé à reprendre ces propositions « sans filtre », certain•e•s craignent que l'exécutif décide de ne retenir que les mesures les plus légères, comme le raconte le Monde. Plusieurs participant•e•s ont déjà créé une association, dont le but sera d'assurer le service après-vente de leurs travaux. A lire dans le Monde (abonnés).

L'Australie s'éloigne encore de sa transition énergétique

La nouvelle peut paraître anecdotique, mais elle témoigne de l'aveuglement qui a toujours cours en Australie. Pourtant très dépendant de son industrie du charbon, le pays a décidé de couper les vivres à un programme international de recherche sur la transition énergétique

En 2017, l'Australie avait signé un partenariat avec l'Allemagne et l'Autriche pour créer l'Energy transition hub : un programme inter-universitaire censé trouver comment atteindre la neutralité carbone en développant les énergies propres telles que le solaire ou l'hydrogène.

L'Australie s'était alors engagée sur la (modeste) somme de 4 millions de dollars entre 2017 et 2022. Comme le rapporte le Guardian, le ministère des Affaires étrangères et du commerce a annoncé par e-mail, vendredi 6 mars, que l'Australie fermait le robinet. 

Alors que son pays a été ravagé pendant 8 mois par des incendies historiques, dont il est désormais établi qu'ils ont été accentués par la crise climatique, le gouvernement australien reste campé sur sa ligne « business as usual ». A lire dans le Guardian (en anglais).

Un think tank climato-sceptique au bord de la ruine

Le climato-scepticisme ne ferait-il plus recette ? Le Heartland institute, un influent think tank américain qui s'applique à nier la crise climatique depuis des décennies, est sur la paille. 

Financé par certains des riches soutiens de Donald Trump, l'institut a récemment fait parler de lui en recrutant la jeune youtubeuse allemande Naomi Seibt, dont il veut faire une « anti-Greta Thunberg ».

Naomi Seibt  - Capture d'écran d'une vidéo du Heartland Institute

Or, comme l'ont confié d'anciens employés au Huffington Post, le think tank aurait récemment licencié une douzaine de salarié•e•s, soit la moitié de ses effectifs. « Heartland est ruiné », a écrit un cadre de l'institut dans un sms à un ancien collègue, sur lequel le « HuffPost » a pu mettre la main. 

La faute en reviendrait notamment à Frank Lasée, ancien sénateur du Wisconsin. Nommé à la tête du Heartland institute en juillet 2019, il aurait dépensé l'intégralité du budget annuel de l'organisation en six mois avant de la quitter.

Au cœur de la désinformation savamment entretenue par l'industrie fossile américaine pendant des années au sujet du réchauffement climatique, l'institut a vu disparaître certains de ses soutiens historiques, inquiets pour leur image. Ce fut notamment le cas du pétrolier ExxonMobil à la fin des années 2000.

Ces derniers mois, le think tank a également vu son influence dans la politique américaine décroître à la suite de scandales sexuels et de corruption présumée. A lire dans le Huffington Post (en anglais).

Faire du vélo, même si l’air est pollué

« Faire du vélo à Paris avec la pollution […], je pense que ce n’est pas bon pour la santé » : la phrase est d'Agnès Buzyn, candidate En marche ! engagée dans une campagne de plus en plus droitière pour les prochaines élections municipales. 

Au cours d'un débat organisé par LCI, celle-ci a laissé entendre que la pratique du vélo en ville pouvait être néfaste pour les cyclistes. Or, si la pollution de l'air est effectivement mauvaise pour la santé, causant la mort prématurée de dizaines de milliers de personnes chaque année en France, les bénéfices de l'utilisation du vélo sont largement supérieurs aux risques, comme le rappelle le Monde

En 2012, l'Observatoire régional de santé (ORS) d'Ile-de-France avait établi qu'en termes de mortalité, les bienfaits pour la santé de l'utilisation du vélo étaient 20 fois supérieurs aux risques, dans cette région pourtant très polluée. 

Parmi les bénéfices listés par l'ORS : effets positifs sur la santé de l’activité physique, baisse du stress, de la pollution atmosphérique, du bruit, de l’accidentologie causée par les voitures et des gaz à effet de serre. Les bienfaits surpassent les risques, même en cas de pic de pollution, note encore le Monde. Il convient cependant de ne pas réaliser d'efforts trop importants. Mais l'ancienne ministre de la Santé sait probablement déjà tout ça. A lire dans le Monde.

Ils tracent leurs propres pistes cyclables

A la nuit tombée, elles et ils investissent les boulevards de plusieurs grandes villes française pour dessiner les pistes cyclables que leurs municipalités tardent à instaurer. Brut a suivi une équipe de militant•e•s d'ANV-COP21 qui, bombe de craie à la main, ont décidé de prendre les devants pour sensibiliser les usagers et les pouvoirs publics.

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