Les lobbies charbonnent contre le climat


Le Haut-Conseil pour le climat veut tout changer une fois la crise passée ; les organisations professionnelles font des pieds et des mains pour qu'il n'en soit rien. 

Le Haut-Conseil pour le climat plaide pour une relance verte et égalitaire

Les bons conseils du Haut-Conseil. Dans un rapport à destination du gouvernement, le Haut-Conseil pour le climat (HCC) avance une série de recommandations très ambitieuses pour préparer l'après-Covid-19

Dans le document, publié mardi 21 avril et intitulé « Climat, Santé : mieux prévenir, mieux guérir », le HCC fait ce constat : pandémie et changement climatique sont liés. Ces crises constituent toutes deux des menaces majeures pour l'ensemble de l’humanité ; elles sont le fruit d'une grande impréparation ; elles font peser un poids supplémentaire sur les personnes les plus fragiles. 

Créée en novembre 2018 par Emmanuel Macron, afin d'évaluer la politique climatique française et rendre des avis, l'instance indépendante estime qu'il est possible de tirer des leçons de l’une pour augmenter nos capacités de résilience à l’autre. Elle recommande par exemple de réduire les inégalités pour renforcer la résilience de l’ensemble de la population. 

Photo de famille du HCC à sa création, en novembre 2018. On y trouve Corinne Le Quéré, et Valérie Masson-Delomotte, climatologues, ou l'ingénieur Jean-Marc Jancovici © HCC

Le HCC a constaté une baisse historique de 30% des émissions de CO2 lors des premières semaines de confinement : une réduction de notre empreinte carbone « marginale » et « pas durable », qui risque d'être suivie d'un fort rebond des émissions, une fois que les activités redémarreront. 

Aussi, pour adapter la France à la crise climatique, le HCC recommande notamment de conditionner l’octroi des aides budgétaires et fiscales au secteur privé à des engagements de réduction de leurs émissions. « Ce n’est pas le moment de soutenir l’aviation coûte que coûte », a jugé la présidente du HCC, Corinne Le Quéré, auprès du Monde. Samedi 18 avril, les députés français ont pourtant voté une enveloppe de 20 milliards d'euros de subventions aux entreprises polluantes sans aucune réelle contrepartie écologique. 

Autre proposition : profiter du prix historiquement bas du pétrole pour réduire les aides aux énergies fossiles et les orienter vers les énergies renouvelables. Emmanuel Macron entendra-t-il les bons conseils de l'institution qu'il a lui-même faite naître ? Plus d'informations sur le site de France Inter

Le patronat charbonne contre les normes climatiques

Leurs recommandations sont à l'exact opposé de celles du Haut-Conseil pour le climat. A la faveur de la crise, les organisations professionnelles font le forcing pour réduire les contraintes environnementales qui pèsent – selon elles – sur les entreprises, à Paris ou à Bruxelles. 

Dans une note à destination de la Commission européenne dont Vert s'était fait l'écho, l'Afep, lobby représentant la majorité des entreprises du CAC40, réclame le report, voire la suspension, de plusieurs règles environnementales. 

Principale organisation patronale française, le Medef aurait, quant à lui, écrit à Elisabeth Borne pour tenter de revenir sur les dispositions contenues dans la loi énergie-climat de la fin 2019. C'est ce qu'a expliqué la ministre de la transition écologique lors de son audition à l'Assemblée nationale, le 16 avril. « Certaines [mesures] doivent encore faire l’objet de concertation avant d’entrer en vigueur. Or les fédérations et les entreprises ne sont pas en mesure de répondre en temps et en heure, pour des raisons évidentes liées au confinement », a expliqué le Medef au Monde

Luc Chatel, ex-ministre et président actuel du lobby de la Plateforme automobile (PFA), a demandé une « pause » dans l’évolution des normes d’émissions de CO2, lors d'une réunion avec la secrétaire d’Etat à l’économie et aux finances, Agnès Pannier-Runacher, rapporte encore le Monde. 

Le député Matthieu Orphelin a adressé un courrier à plusieurs organisations professionnelles pour dénoncer leurs manœuvres. Il y pointe notamment du doigt les actions menées, selon lui, par le Comité des constructeurs français d'automobiles (CCFA) et l'Association du transport aérien international (IATA) pour infléchir les politiques européennes en matière de réduction des émissions de CO2. 

« Il y a actuellement un intense lobbying de certaines entreprises et de certains secteurs économiques pour obtenir des concessions », reconnaît un conseiller ministériel interrogé par le Monde. 

L’impact du confinement automobile sur la qualité de l’air, ville par ville

Dans toutes les grandes villes de France, l'air s'est fortement amélioré depuis que les conducteurs•rices sont confiné•e•s, comme le montre une étude publiée par Atmo France mardi 21 avril.

L'organisme de surveillance de la qualité de l'air a aggloméré les données issues de ses capteurs situés à proximité des axes routiers de toutes les plus grandes villes françaises. Puis, Atmo a comparé les niveaux d'oxydes d'azotes (NOx) entre les mois de mars 2020 et 2019.

Il en ressort que les niveaux de ces gaz nocifs générés par la combustion des moteurs sont en chute libre depuis le 17 mars, premier jour de confinement : autour de -70% à Strasbourg, Marseille ou Paris, -63% à Lyon, ou -75% à Nantes par rapport à la même période, un an plus tôt.

La chute spectaculaire des émissions d'oxydes d'azote à Rouen entre mars 2019 et mars 2020 à la suite des mesures de confinement © Atmo France

La pollution aux NOx est due au trafic routier pour les deux-tiers. La France est actuellement dans le viseur de la Commission européenne pour des dépassements répétés des valeurs limites de ces gaz. Les oxydes d'azote participent à la formation de particules fines, autre polluant majeur, et génèrent des inflammations des poumons. Un nombre croissant d'études pointent une possible responsabilité de ces polluants dans l'aggravation des effets du Covid-19. Les résultats, ville par ville, sont à retrouver sur le site d'Atmo France.

Réduire le trafic routier à l'heure du déconfinement

Confiner la voiture pour sauver des vies : en Italie, la ville de Milan s'apprête à développer presto un vaste réseau piéton et cyclable en réponse à la crise du Covid-19

Soumise à des niveaux de pollution très élevés, la région de Milan (la Lombardie) a été particulièrement meurtrie par le Covid-19. Une étude, mentionnée par Vert hier, établit un lien entre la forte pollution au dioxyde d'azote (généré en grande majorité par le trafic) et une mortalité aggravée dans cette région. 

Afin de protéger sa population, la municipalité de Milan a annoncé l'installation d'un réseau expérimental de 35 kilomètres de zones piétonnes et de pistes cyclables au cours de l'été. Une mesure censée permettre à la fois de réduire la pollution générée par le trafic routier et de maintenir les distances entre usagers de l'espace public. 

Le projet de réaménagement sur le Corso Buenos Aires, axe important du nord-est de Milan © Ville de Milan

« Si tout le monde conduit une voiture, il n'y a plus de place pour les gens, pour bouger, pour les activités commerciales en-dehors des magasins, a expliqué Marco Granelli, adjoint au maire de Milan en charge de la mobilité. Bien sûr que nous voulons rouvrir l'économie, mais nous pensons devoir le faire sur des bases différentes de celles d'avant ». A lire dans le Guardian (en anglais).

Oslo, modèle de reconquête de la ville

Vous êtes maire d'une grande métropole européenne et vous cherchez de l'inspiration pour réduire l'emprise de la voiture dans votre ville ? Pas plus loin qu'en Norvège, la ville d'Oslo s'emploie depuis des années à rendre son centre-ville aux piétons et cyclistes, comme le raconte Brut dans cette vidéo : 

© Brut