Le loup, le renard et la vrillette


Pour voir leurs espaces protégés, les animaux participent malgré eux à un triste concours de popularité.  

Une future loi climat déjà bien tiède

Mardi, le gouvernement a présenté de premiers arbitrages au sujet du futur projet de loi censé reprendre 40% des 146 propositions de la Convention citoyenne pour le climat (CCC). Des mesures largement édulcorées avant même que le texte ne gagne l'Assemblée nationale. 

Aux 150 citoyen•ne•s mandaté•e•s pour trouver comment réduire de 40% les émissions de CO2 d'ici 2030, Emmanuel Macron avait promis de traduire « sans filtre » leurs futures propositions sous forme de loi ou de règlement.

L'entretien accordé à Brut par Emmanuel Macron, le 4 décembre © Brut

Après neuf mois de labeur et un corpus cohérent de mesures rédigées à l'aide d'expert•e•s, le président a changé de ton : « Ce n'est pas parce que les citoyens ont écrit un truc que c'est la Bible ! », a-t-il déclaré à Brut. Manière de répondre aux nombreuses voix, notamment issues de la CCC, qui se sont élevées pour dénoncer le détricotage de leurs propositions. Les annonces faites mardi par Barbara Pompili ne devraient pas les rassurer. 

Pour lutter contre l'artificialisation des sols, la ministre a annoncé au Parisien vouloir « interdire l’implantation de nouveaux centres commerciaux sur des espaces naturels avec une dérogation possible en dessous de 10 000 m2 ». 90% des dossiers sont en-dessous de cette surface, selon le député Mathieu Orphelin (Actu-environnement).

La Convention proposait que les trajets domestiques en avion, réalisables en moins de 4 heures de train, soient supprimés ; le gouvernement s'en tiendra à 2h30. Le projet de loi devrait prévoir la fin des publicités pour les énergies fossiles ; pas celles pour les SUV, ces véhicules massifs très populaires qui aggravent le bilan carbone de la France. Le gouvernement a annoncé vouloir interdire la location de passoires thermiques – ces logements très mal isolés – d'ici 2028, sans toutefois préciser comment.

Dépassé par l'ambition d'une Convention qu'il a lui-même créé, le gouvernement n'a eu de cesse, ces derniers mois, de s'en tenir à des versions allégées de chacune de ses propositions. Quand celles-ci n’ont pas simplement été abandonnées, comme l’idée d’un moratoire sur le déploiement de la 5G, une TVA réduite sur les billets de train, l'interdiction de la construction de nouveaux aéroports ou la sortie du Ceta. Le futur projet de loi devrait être présenté à l'Assemblée nationale début 2021. Décryptage point par point réalisé par France Info

• Mardi, Emmanuel Macron s’est rendu à la forge du Creusot de Framatome pour vanter les mérites de la filière française du nucléaire. Il avait demandé à EDF d'étudier la construction de six nouveaux réacteurs ; le président a indiqué que la décision de leur réalisation – ou non – serait prise en 2023, soit après la prochaine présidentielle. Après, également, la livraison prévue du nouvel EPR de Flamanville, un fiasco absolu en raison des malfaçons de Framatome, notamment. Attendu pour 2012 à un coût de 3,3 milliards d’euros, ce réacteur pourrait se chiffrer à 19,1 milliards d'euros, selon la Cour des comptes. - Le Monde (abonnés)

Les jolis animaux raflent toute la mise

C'est pas juste. Les animaux les plus « charismatiques » raflent l'essentiel des fonds européens dédiés à la préservation de la biodiversité aux dépends des invertébrés, pourtant indispensables au maintien du vivant

Il est plus facile de récolter des fonds pour protéger les lynx que les hannetons. C'est l'enseignement principal d'une étude, publiée mercredi 9 décembre dans la revue Proceedings of the Royal society. 

Entre 1992 et 2018, la protection des vertébrés (mammifères, oiseaux, reptiles ou poissons) a mobilisé 970 millions d'euros de la part du programme européen LIFE, dédié à la préservation de l'environnement et du climat, contre 150 millions pour les invertébrés, comme les insectes, les araignées ou les crustacés. L'ours brun et le loup gris sont les stars des programmes européens alors que leur risque d'extinction est jugé « mineur » par l'Union internationale de conservation de la nature (UICN). 

Moins en danger que la plupart des espèces, le loup gris récolte une part importante des fonds européens dédiés à la biodiversité © Christels

Les insectes sont largement laissés pour compte alors que leur rythme d'extinction est huit fois supérieur à celui des mammifères, oiseaux et reptiles, comme l'expliquait une étude, laissant craindre l'effondrement de nombreux écosystèmes. 

Or, ceux-ci appellent des stratégies différentes de celles dédiées à la protection des grands mammifères, qui passent notamment par la préservation de leurs habitats - zones humides ou arbres en décomposition, ou la réduction de l'usage des pesticides.

Une étude qui tombe à pic alors que l'UE prévoit de classer 30% de ses terres et mers en zones protégées. Les scientifiques demandent à Bruxelles d'attribuer des subventions équitables entre les différents groupes d'espèces et d'inclure davantage d'invertébrés dans ses programmes. Plus d'informations dans le Guardian (en anglais). 

Protéger réellement les espaces protégés

Un collectif très hétéroclite, parmi lequel figurent l'écrivain Sylvain Tesson, la navigatrice Isabelle Autissier ou le philosophe Baptiste Morizot, réclame que les espaces naturels protégés le soient réellement.

Artificialisation des sols, pollution, pesticides, chasse, etc. ; en France comme ailleurs, les menaces qui pèsent sur le vivant sont légion. Pour lutter contre le déclin rapide de la biodiversité, des espaces naturels protégés ont été établis à travers le territoire national. 

En mai 2019, Emmanuel Macron avait déclaré vouloir protéger 30% des espaces naturels du pays - terre et mer compris - dont un tiers « en pleine naturalité » (devenu « en protection forte ») à l’horizon 2030, rappellent les auteur•rice•s d'une tribune publiée dans le Monde. Mais que signifient ces termes ?

Moins de 1,5% du territoire français est actuellement sous « protection forte »rappelait l'Inventaire national du patrimoine naturel en 2019. Pourtant, même au sein de ces espaces, les activités humaines continuent : l'exploitation forestière, les pâturages, la chasse et la pêche sont pratiqué•e•s dans plusieurs parcs nationaux et réserves naturelles, rappelle le texte. « A ce jour, on peut estimer que seulement 0,6 % du territoire terrestre métropolitain français assure la libre expression des processus naturels ».

Les signataires de cet appel demandent à l'exécutif de « renforcer la notion de protection forte pour que les 10% promis le soient en libre évolution (en pleine naturalité) », c'est-à-dire peu ou pas modifiés ni perturbés par les activités humaines. « Arrêtons de vouloir maîtriser et exploiter la totalité des espaces et des écosystèmes, laissons, en certains lieux, la nature prendre la direction qu’elle souhaite ! exhortent-elles et ils. Car la nature libre, autonome, spontanée et sauvage a des capacités de réparation étonnantes, à condition qu’on lui en laisse l’espace et le temps. »

Cyril Dion et la Convention répondent à Emmanuel Macron

Dans l'entretien qu'il a accordé à Brut, le 4 décembre, Emmanuel Macron a eu des mots durs à l'endroit de Cyril Dion et de la Convention citoyenne pour le climat. Dans cette vidéo, le réalisateur, ainsi que deux des 150 citoyen•ne•s, décryptent le discours du président. 

© Brut