Le délire de l’or noir


Un numéro où l'on verra que parfois, l'excès d'abondance peut causer la ruine.

Le pétrole déborde

Avec la chute de la consommation de carburant engendrée par le confinement généralisé, les réserves mondiales de pétrole débordent presque littéralement. Ce qui génère une série d'effets en cascade, tous plus absurdes les uns que les autres. 

L'effondrement de la demande constaté depuis plusieurs semaines coïncide avec une production en hausse. Résultat, le monde n'a jamais autant regorgé de pétrole. A tel point que l'on pourrait arriver à court de capacités de stockage d'ici quelques semaines, comme le prédisent plusieurs spécialistes interrogés par les Echos. 

Le supertanker saoudien Ab Qaib © Kevin H. Tierney

Comme l'explique le quotidien, la décrue de la consommation est tellement rapide que des infrastructures de transport sont désormais utilisées comme lieux de stockage : c'est le cas de supertankers, transformés en entrepôts flottants. 

Les quelques centres de stockage restants (situés principalement aux Etats-Unis, en Chine et au Japon) se louent à prix d'or. L'entreposage devenu trop cher, le pétrole, même bon marché, n'intéresse plus les acheteurs. A tel point que certains vendeurs ont cédé des barils à prix négatifs : ceux-ci choisissent payer leurs clients pour se délester de leurs stocks.

Résultat, la chute des cours du brut, déjà très bas depuis que la Russie a décidé de mener une guerre du pétrole contre les Etats-Unis, s'accélère. Les producteurs pourraient vouloir réduire la voilure, mais la fermeture d'un puits coûte cher et risque d'endommager les installations. A lire dans les Echos (abonnés).

La désinfection des rues contre le Covid-19 jugée inutile

Il est une autre absurdité née de la pandémie, à laquelle il sera peut-être mis rapidement fin : dans un avis rendu mardi 7 avril, le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) déconseille la désinfection des rues, opérée dans plusieurs communes de France dans l'espoir de lutter contre le Covid-19. 

A Cannes, des équipes de nettoyage désinfectent les rues à l'eau de javel © Compte Twitter de Cagou5

Comme Vert s'en faisait l'écho, les maires de plusieurs villes de France ont récemment lancé des opérations de nettoyage à la javel de l'espace public. Saisi de la question de l'utilité d'une telle pratique, le HCSP a étudié les expériences menées dans d'autres pays comme la Chine ou la Corée du Sud ainsi que la littérature scientifique. 

Il en ressort qu'en « l'absence d'argument scientifique », le HCSP « recommande de ne pas mettre en œuvre une politique de nettoyage spécifique ou de désinfection de la voirie dans le contexte de l'épidémie de COVID-19 ».

Le HCSP préconise de s'en tenir au nettoyage habituel des voiries et de désinfecter plus régulièrement le mobilier urbain avec les équipements de protection habituels. Enfin, il recommande de ne surtout pas employer d’appareils pouvant souffler des poussières des sols, comme les souffleurs de feuilles.

Le HCSP rappelle que l'utilisation de produits à base de javel « n’est pas sans risque pour les travailleurs […] mais également pour l’environnement » en raison de leur « toxicité pour les organismes aquatiques ainsi que pour les plantations en bordure de voirie »

Les exploitations agricoles européennes sont en pénurie de saisonniers 

Pas de bras, pas d'avocat. En raison des mesures de confinement, les pays européens producteurs de fruits et légumes connaissent une importante pénurie de main d'oeuvre étrangère

Depuis que les frontières nationales ont été fermées pour endiguer la propagation du Covid-19, des centaines de milliers de travailleurs originaires de Roumanie, du Maroc, de Tunisie ou de Bulgarie, manquent à l'appel dans les grandes exploitations agricoles européennes, comme l'explique le Monde.

Une absence particulièrement difficile à l'arrivée du printemps. En Espagne, premier producteur européen de fruits, le pays manque cruellement de main d'oeuvre : « 100 000 à 150 000 travailleurs » sont requis dans les deux prochains mois, selon l’Association agraire des jeunes agriculteurs (Asaja). 

D'autres pays, comme les Pays-Bas, la Pologne ou l'Allemagne, sont fortement touchés. A tel point, raconte encore le Monde, que Berlin a décidé, jeudi 2 avril, de permettre l'entrée sur son territoire de dizaines de milliers de travailleurs. A des conditions kafkaïennes : 40 000 personnes par mois au maximum seront autorisées à entrer en Allemagne. Elles ne pourront venir qu'en avion, seront réceptionnées à leur arrivée par leur employeur avant de subir un test de dépistage. Puis, elles devront travailler pendant 14 jours à l'écart du reste des travailleurs.

La France pourrait être relativement épargnée, alors que 210 000 personnes se sont portées volontaires pour prêter main forte aux agriculteurs. Plus d'informations à lire dans le Monde (abonnés). 

Préparer « le jour d’après » la pandémie

Les appels à bouleverser nos mauvaises habitudes une fois la crise passée fleurissent ces jours-ci. Mardi 7 avril, seize associations et syndicats français•e•s ont lancé une pétition commune pour préparer « le jour d'après ».

Les ONG Greenpeace, Attac, ou les Amis de la Terre et les syndicats de la CGT, Solidaires ou la FSU - pour ne citer qu'elles et eux - appellent tout d'abord à prendre quatre mesures d'urgence pour répondre à la crise sanitaire, sociale et écologique. 

Les organisations réclament l’arrêt immédiat des activités non indispensables pour faire face à l’épidémie ; Les réquisitions des établissements médicaux privés et des entreprises afin de produire masques, respirateurs et tout le matériel nécessaire pour sauver des vies ; La suspension immédiate du versement par les entreprises de dividendes, rachats d’actions et bonus aux PDG ; Que les 750 milliards d’euros débloqués par la BCE soient utilisés pour financer les besoins sociaux et écologiques des populations et non pour alimenter les marchés financiers.

A plus long terme, « pour ne plus jamais revivre ça », les signataires de l'appel demandent la mise en place d'un plan de développement de tous les services publics ; Une fiscalité plus juste et redistributive avec l'instauration d'un impôt sur les grandes fortunes, d'une taxe sur les transactions financières et une véritable lutte contre l’évasion fiscale ; Un plan de réorientation et de relocalisation solidaire de l'agriculture, de l'industrie et des services. 

Pierre Desproges et le pangolin

Peut-être n'aurait-il pas dû dire du mal du pangolin, soupçonné d'avoir servi de véhicule au coronavirus avant que celui-ci ne soit transmis aux humains. En 1986, dans une de ses savoureuses chroniques narrées à l'antenne de France Inter, l'humoriste Pierre Desproges se gaussait du petit mammifère à écailles, qu'il avait comparé à « un artichaut à l'envers prolongé d'une queue »

© INA