La quotidienne

Grande heure nature

Chères toutes et chers tous,

 
🎄 Ceci est l'avant-dernière édition quotidienne de Vert avant la pause de fin d'année. La semaine prochaine, vous aurez droit à une édition spéciale sur le bilan de la COP15, dont les négociations se terminent lundi ; vous recevrez bientôt un numéro plein d'optimisme consacré aux bonnes nouvelles de 2022. Et enfin, le bêtisier de l'année, avec des vrais morceaux de ministres dedans.


Pour restaurer le vivant avant la fin de la décennie, États et entreprises inventent des concepts dont certain·es se méfient.


Après la neutralité carbone, les entreprises veulent devenir « nature positive »

La positive attitude. À Montréal (Canada), où se tient la 15ème conférence mondiale (COP15) sur la biodiversité, un terme fait florès : « nature positive » (c’est de l’anglais).

« Plus de biodiversité en 2030 qu’aujourd’hui : c’est ça, le nature positive », explique à Vert Pierre Cannet, directeur du plaidoyer et des campagnes de WWF France. Porté par de nombreuses ONG telles que Birdlife ou le WWF, ainsi que par des coalitions d’entreprises, cet objectif se veut une sorte d’équivalent pour la biodiversité de la neutralité carbone.

Au palais des congrès de Montréal, un graphique dessine la trajectoire idéale  : après un effondrement inédit des populations animales et végétales ces dernières décennies, la courbe se redresse, atteint un point d’équilibre en 2030 puis réussit l’exploit d’une «  régénération complète  » en 2050 ©  Juliette Quef / Vert

Plusieurs organisations, qui trouvent le concept peu clair, flairent un risque de greenwashing de la part du secteur privé. Pour parvenir à un effet « positif » sur le vivant, certaines grandes entreprises n’hésitent pas à promettre une « compensation écologique » : c’est-à-dire à contrebalancer leurs destructions de biodiversité par la restauration de milieux naturels par ailleurs. C’est le cas de TotalEnergies en Ouganda qui, tout comme British Petroleum (BP) ou Ikea, fait partie du Conseil mondial des entreprises pour le développement durable qui soutient officiellement l’initiative.

« Il est très clair que Total est sur notre liste noire des entreprises qui menacent le vivant, mais nous ne pouvons pas réduire le monde économique aux grandes compagnies pétrolières », assure Pierre Cannet ; « la compensation […] ce n’est pas du nature positive ». Présidente du comité français de l'Union internationale de conservation de la nature (UICN), qui soutient également le concept, Maud Lelièvre met l’accent sur la mise en place d’indicateurs clairs pour suivre l’évolution du vivant et les progrès réalisés. Pas convaincue, Nele Marien, coordinatrice du programme biodiversité des Amis de la Terre soupire : « à chaque COP, un nouveau concept de greenwashing ».

· Entre janvier et novembre 2022, les surfaces brûlées par les incendies dans l’Union européenne ont doublé (785 000 hectares) par rapport à la moyenne des années 2006-2021 (317 000 hectares), a révélé un bilan publié mardi par le service européen de surveillance de l’atmosphère, Copernicus, et le système européen d’information sur les feux de forêt (EFFIS). - Sud-Ouest (AFP)

· Mercredi, Twitter a suspendu le compte « ElonJet », qui suivait les allées et venues du jet privé d’Elon Musk, le nouveau propriétaire du réseau social. Début novembre, ce dernier avait promis qu’il ne bannirait jamais ce compte au nom de « la liberté d’expression ». Hier, le milliardaire a précisé qu’il serait désormais interdit de divulguer des informations de localisation en temps réel pour des raisons de sécurité, mais que le suivi de trajets avec un léger décalage serait acceptable. - Le Temps

· Mercredi toujours, une étude publiée dans la revue Nature dévoile les causes de la concentration inédite de méthane - un gaz à effet de serre très puissant - observée en 2020 et jusque-là incomprise. Les scientifiques pointent d'abord des émissions naturelles plus importantes en raison du réchauffement climatique, car les micro-organismes produisent plus de méthane dans un climat chaud et humide. Ils et elles ont ensuite découvert que la baisse de la pollution atmosphérique pendant la crise sanitaire a diminué la quantité d’oxydes d’azote (NOx), un micro-élément qui capture le méthane déjà émis. - Le Monde

© Avaaz

Droit au but. Mardi, l’ONG Avaaz s’est offerte une page de publicité dans le Figaro et Libération pour interpeller le président Emmanuel Macron, qui a choisi de se rendre à la Coupe du monde de football au Qatar et non à la COP15 biodiversité au Canada. Si aucun·e dirigeant·e n’a fait le déplacement - la Chine, qui préside la conférence, n’ayant officiellement invité que les ministres chargé·es du sujet - Oscar Soria, représentant d’Avaaz, explique avoir ciblé en particulier le président français parce que « l’Élysée bloque les compromis et empêche à elle seule l'Union européenne d’obtenir un accord avec les pays en développement ». Pour rappeler le chef d’État à ses responsabilités, l’association résume : « Les Bleus n'ont pas besoin de vous, la planète si ».

Les aires protégées sont-elles efficaces ?

C’est dans l’air(e). À la 15ème Conférence des Nations unies (COP15) sur la biodiversité, les négociateur·rices espèrent s’entendre sur un objectif de 30% d’aires - terrestres et marines - protégées à horizon 2030.

Actuellement, 16,98% des milieux terrestres et 8,26% des zones marines de la planète sont sous statut protégé, selon le comptage de Protected planet. En France, en 2021, 34,7% du territoire était protégé, avance l’UICN. Mais, seuls 1,8% des espaces naturels français bénéficient d’une protection forte, d’après l’Office français de la biodiversité.

Les degrés de protection varient fortement, allant des réserves « intégrales », sortes de bulles inaccessibles aux humains, aux zones où coexistent mesures de conservation et activités économiques. « Les différents niveaux de protection sont […] complémentaires », explique Laure Debeir, chargée du programme Aires protégées au sein du comité français de l’UICN. Dans certains endroits, une interdiction totale des usages et une mise sous cloche sont indispensables. Ailleurs, des protections peuvent être plus légères avec le maintien d'activités jugées compatibles avec la vie des écosystèmes.

Cette carte représente les espaces terrestres (en vert) et les zones marines (en bleu) qui ont le statut d'aires protégées en décembre 2022. Cliquez pour accéder directement au site qui les recense. ©  Protected planet

De nombreuses ONG craignent que la multiplication des aires protégées engendre l’accaparement de terres habitées par des populations autochtones ; celles-ci peuvent être expulsées de leur territoire au nom de sa préservation. Un modèle qui « s’enracine dans une vision colonialiste qui considère qu’on ne peut pas faire confiance aux peuples locaux pour gérer ces espaces », détaille Martin Léna, chargé de plaidoyer pour l’association Survival international. Les peuples autochtones représentent moins de 6% de la population mondiale, mais préservent 80% de la biodiversité de notre planète.

Les aires protégées sont « sûrement le moyen le plus efficace de protéger la nature », estime de son côté Gilles Kleitz, de l’Agence française de développement (AFD). Mais leur efficacité dépend « d’une évaluation précise de l’état des espèces, d’un objectif à peu près clair en matière de conservation, avec un plan de gestion et des moyens concrets pour le réaliser ».

Imaginer « Un monde nouveau »

On en rêvait tous. Face au terrifiant constat du réchauffement climatique et de l’effondrement du vivant, Cyril Dion et Thierry Robert proposent une série documentaire sur Arte pour mieux saisir les causes de notre immobilisme collectif et y remédier. Décliné en trois volets : « Résister », « s'adapter », « régénérer », Un monde nouveau nous emmène aux quatre coins du monde à la recherche de solutions déployables à grande échelle.

« Résister », le premier volet de la série documentaire. ©  Arte

+ Loup Espargilière, Alban Leduc et Juliette Quef ont contribué à ce numéro.