La quotidienne

Décroissants ou des miettes

Les experts du climat devront plancher un peu plus sur des scénarios qui viseront à produire un peu moins, avant qu'il ne reste plus rien.


La décroissance du PIB, la piste oubliée par le GIEC pour rester sous 1,5°C

De mal en PIB. Les scénarios envisagés par le GIEC pour maintenir le réchauffement sous 1,5°C font appel à des hypothèses et des technologies incertaines, et refusent toujours d’envisager la baisse du PIB, indique une nouvelle étude

Mandaté par les gouvernements, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) élabore des scénarios pour tenter de contenir le réchauffement sous 1,5°C d’ici 2100. Il s’agit de l’objectif de l’accord de Paris, signé par la quasi-totalité des pays du globe en 2015. 

Selon une étude, publiée mercredi dans Nature, les 222 trajectoires envisagées dans le dernier rapport du GIEC (spécial 1,5°C) font souvent appel à des solutions technologiques hasardeuses telles que la séquestration de carbone (Vert), et misent sur une croissance à marche forcée des énergies renouvelables. Surtout, elles n’envisagent aucune baisse du Produit intérieur brut (PIB), et font le pari qu’il est possible de séparer croissance économique et consommation d’énergie fossile. Ce que l’histoire n’a, pour l’heure, jamais montré. 

Les quatre familles de scénarios présentés par le GIEC dans son rapport spécial 1,5°C, publié en octobre 2018. La baisse du PIB n'est jamais envisagée comme moyen de réduire les émissions de CO2. Cliquez sur l'image pour l'agrandir © GIEC

« Le lien étroit entre croissance du PIB et consommation de ressources énergétiques, matérielles et fossiles est généralement sous-estimé » par le GIEC, indiquent les deux auteurs. Physicien et économiste, ils proposent 14 trajectoires complémentaires à celles du GIEC, envisageant différents niveaux de décroissance économique - et, en contrepartie, moins d’efforts technologiques. « La diminution du PIB n’est pas une fin en soit, mais une issue probable des mesures écologiques nécessaire » à la limitation du réchauffement, expliquent-ils. 

Comme l’avait si bien expliqué le site Bon pote, la décroissance organisée du PIB ne signe pas le retour à la bougie et ne vise certainement pas à provoquer une crise sociale et économique. Selon les chercheurs, des niveaux de confort élevés peuvent être maintenus : « Pour éviter que la baisse du PIB ne conduise à un appauvrissement ou plus d’inégalités, des réformes politiques et socio-économiques profondes sont nécessaires : services publics universels, plafonds de salaires, temps de travail réduit et contrôle démocratique des entreprises ».

• Mercredi, l'association Eau et rivières de Bretagne a lancé une pétition pour réclamer la fin des marées d'algues vertes dans cette région. Ces phénomènes dangereux sont provoqués par le rejet d'immenses quantités d'azote et de nitrates par l'agro-industrie (engrais, lisier, etc.) dans la nature. Comme l'indique un rapport de la Cour des comptes à paraître, les pouvoirs publics ont refusé de lutter efficacement contre la prolifération d'algues vertes. Soutenue par de nombreuses personnalités et ONG, la pétition interpelle notamment les candidat·e·s aux élections régionales qui se tiendront les 20 et 27 juin. - 20 Minutes

• A l'appel d'une foule d'associations, de personnalités politiques et de leurs partis (FI, PCF, EELV), une marche « contre Monsanto et l'agrochimie » est organisée, samedi, dans une quinzaine de villes de France. Pollution au chlordécone dans les Antilles françaises, victimes de l'agent orange au Vietnam ; les protestataires exigent une véritable justice environnementale à l'égard des firmes qui empoisonnent les sols et les corps depuis des décennies. Leur tribune est à lire dans Libération.

• La semaine dernière, le premier ministre britannique Boris Johnson a pris l'hélicoptère pour se rendre dans les Midlands afin d'y faire la promotion d'un programme de location de vélos, vient de révéler le Guardian. 50 minutes de vol complètement injustifiées, alors que le même trajet en train dépassait à peine deux heures. Des voix se sont élevées pour pointer du doigt l'hypocrisie de Boris Johnson sur le climat, alors que son gouvernement a récemment présenté les objectifs les plus ambitieux du monde en matière de réduction des émissions de CO2. - The Guardian (anglais)

Etre un chêne, haletant roman biologique en forêt de Rambouillet

Sessile la famille. Dans Etre un chêne, Laurent Tillon raconte l'histoire – à peine romancée - de son ami Quercus, un chêne sessile vieux de 240 ans.

Un beau jour de printemps de l'an 1780, des milliers de glands tombent d'un arbre pluricentenaire pour s'écraser sur le sol de la forêt de Rambouillet. Un autre temps - quelques années avant la Révolution française - et des bois clairsemés qui n'ont pas grand chose à voir avec ceux d'aujourd'hui. A terre, sans moyen de se déplacer et soumis à tous les aléas, Quercus va devoir se débrouiller pour se faire une place au soleil.

C'est auprès de ce chêne sessile (Quercus petrae en latin), devenu majestueux avec les siècles, qu'a grandi Laurent Tillon. Dans Etre un chêne, ce biologiste et ingénieur forestier à l'Office national des forêts raconte la folle épopée à travers les âges de son « arbre-compagnon ».

Avant de devenir le seigneur qu'il est aujourd'hui, Quercus a dû échapper aux griffes d'Apodemus le mulot ; s'est empressé de faire affaire avec Leccinum le bolet ; s'est frayé un chemin entre les ronces ; s'est fait gruger par Tortrix la chenille ; a enterré son arbre-parent ; a survécu à la déforestation massive du début du 19ème siècle, ainsi qu'à la tempête de 1999. Jusqu'ici, rien ni personne n'aura réussi à empêcher son irrésistible ascension vers la lumière.

S'attachant à raconter, avec un art consommé de la narration, les innombrables interconnections entre les espèces qui peuplent la forêt, Etre un chêne constitue un roman haletant en même temps qu'un cours de biologie exaltant. Hélas, l'histoire ne dit pas si Quercus survivra à la plus grande menace que fait planer sur lui Homo, l'humain : celle du réchauffement climatique.

Etre un chêne, sous l'écorce de Quercus, Laurent Tillon, 2021, Mondes sauvages (Actes sud), 320 pages, 22€

Vous pouvez cliquer sur l'image pour l'afficher en plein écran et l'enregistrer d'un coup de clic droit © Vert

Convention citoyenne, démocratie en construction

150 Français·es tiré·e·s au sort, sept week-ends de formation et de construction d'un important programme visant à réduire de 40% les émissions nationales de CO2 d'ici 2030... Entre envies de révolution et aversion au changement, volonté d'y croire et peur de se faire avoir, le documentaire Convention citoyenne, démocratie en construction (2020) raconte cette expérience démocratique inédite en France.

Au Conseil économique et social, qui a accueilli la Convention entre octobre 2019 et juin 2020, Naruna Kaplan de Macedo est allée fureter de salle en salle pour suivre l'avancée des travaux des 150. Reconnaissance du crime d'écocide (transformé en délit), référendum sur l'inscription du climat dans la Constitution (enterré par la majorité) : ce film permet de retracer certaines des mesures-phare de la Convention abandonnées par Emmanuel Macron, malgré sa promesse réitérée de les reprendre « sans-filtre ». Il constitue surtout un réjouissant portrait de classe, faite d'une foule de citoyen·ne·s animé·e·s par le désir de (re)faire de la politique autrement.

Convention citoyenne - Démocratie en construction, Naruna Kaplan de Macedo, 2020, disponible sur le replay d'Arte.

© Arte

+ Tristan Saramon a contribué à ce numéro