De l’eau et du gaz

C'est un nouveau record que l'on se gardera bien de célébrer. Cela faisait plusieurs millions d'années que l'atmosphère terrestre n'avait pas connu une telle concentration en gaz à effet de serre. Le constat est fait par l'Organisation météorologique mondiale (OMM) dans son dernier bulletin, paru lundi 25 novembre. 

En 2018, notre atmosphère comptait un taux de 407,8 parties par million (ppm) de CO2, contre 278 à l'ère préindustrielle - au milieu du 18è siècle. Soit une hausse de 147%, imputable principalement aux émissions issues de la combustion des énergies fossiles et de la production de ciment, indique le bulletin.

« Il est bon de rappeler que la dernière fois que la Terre a connu une telle concentration en CO2, c'était il y a 3 à 5 millions d'années. A l'époque, la température était plus chaude de 2 à 3 degrés et le niveau de la mer était de 10 à 20 mètres plus haut que maintenant », a déclaré dans un communiqué le secrétaire général de l'OMM, Petteri Taalas.

Le plus inquiétant, comme l'a noté l'expert, c'est qu'« il n'existe aucun signe de ralentissement, encore moins de recul, dans la concentration atmosphérique de gaz à effet de serre, malgré tous les engagements pris dans le cadre de l'Accord de Paris ».

Plus d'informations en français sur le site de 20 Minutes.

 

Les Etats, bien en-deçà de leurs engagements

Autre organisme international, autre record, même cri d'alarme : contrairement aux promesses faites en 2015 à Paris, les émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) ont encore augmenté : +3,2% entre 2017 et 2018

Le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE) vient de sortir, mardi 26 novembre, son 10è « Emissions gap report ». Dans ce rapport annuel, l'agence de l'ONU mesure l'écart entre les engagements pris pour lutter contre le réchauffement et la réalité des émissions de chaque pays. Les nouvelles sont mauvaises : les émissions ont atteint un nouveau record de 55,3 milliards de tonnes équivalent CO2 en 2018.

Nouveauté de l'édition 2019 de ce rapport. Pour la première fois, celui-ci mesure les efforts que devraient faire les Etats pour se mettre en conformité avec les objectifs contenus dans l'Accord de Paris. Et ces efforts s'annoncent olympiens. Pour contenir le réchauffement sous la barre des 1,5°C par rapport à l'ère pré-industrielle, les nations devraient réduire leurs émissions de GES de 2,7% par an entre 2020 et 2030. Pour rester sous 1,5°C, la tâche paraît désormais insurmontable : -7,6% par an.

Comme l'a rapporté le Monde, dans un article très complet (édition abonnés) sur la « décennie perdue » 2009-2019, là non plus, l'agence de l'ONU ne voit« pas de signes d’un pic des émissions qui pourrait être atteint dans les prochaines années ». Le PNUE rappelle par ailleurs que les engagements individuels pris par les Etats, ou « contributions déterminées au niveau national » (NDC), sont, eux-mêmes largement insuffisantes et font prendre au monde la trajectoire d'un réchauffement de 3,2°C d'ici 2100. 
 

Que s'est-il passé depuis la dernière COP ?

Justement, tiens : à quelques jours du lancement de la COP25, qui se déroulera à Madrid à partir du 2 décembre, Reporterre a eu la bonne idée de repasser le film de l'année écoulée depuis la précédente conférence pour le climat. 

C'était en décembre 2018. A Katowice, en Pologne, les Etats ne prenaient que de timides engagements à l'occasion de la COP24. Mais depuis, beaucoup de choses ont changé. Donald Trump a, certes, enclenché la sortie des Etats-Unis de l'Accord de Paris et le Giec a livré un accablant rapport sur l'état des sols. Mais dans le même temps, à travers le monde, les marches pour le climat et les vendredis chômés par la jeunesse ont prospéré. Greta Thunberg est devenue l'icône que l'on sait. 

En France, une pétition a recueilli deux millions de signatures pour assigner l'Etat en justice pour son inaction dans la lutte contre le réchauffement climatique : c'est « l'affaire du siècle ». Les décrocheurs de portraits d'ANV-COP21 ont multiplié les actions dans les mairies françaises ; Extinction Rebellion, a obtenu de précieux succès au Royaume-Uni, qui vit désormais en état d'urgence climatique.

Si les Etats ont collectivement failli à endiguer la hausse des émissions de gaz à effet de serre, des millions de citoyens de la plupart des pays occidentaux, mais aussi de pays en développement ont mis, de manière irréversible, la crise climatique à l'agenda politique international.

Retour à l'envoyeur. La Grande-Bretagne a accepté, lundi, de reprendre une partie des déchets exportés illégalement vers la Malaisie. Comme l'a raconté le South China Morning Post, 42 conteneurs devraient bientôt être réexpédiés depuis un port de l'Etat de Penang, situé dans le Nord-Ouest du pays.

Depuis que la Chine a décidé, en 2018, de bannir l'importation des déchets plastiques issus des pays riches (Etats-Unis et Australie en tête), une large part de ses entreprises spécialisées dans le recyclage s'est installée dans les Etats voisins, générant un véritable chaos en Asie du Sud-Est. En Malaisie, de nombreuses usines illégales de traitement des déchets plastiques ont poussé et un marché parallèle a vu le jour, faisant peser de nouveaux dangers sur l'environnement. 

Yeo Bee Yin, la ministre malaisienne de l'Environnement, a salué un « acte hautement appréciable » de la part du gouvernement britannique. Ce n'est pas la première fois que son pays renvoie des déchets à leurs producteurs. Auparavant, des milliers de tonnes ont été réexpédiées vers le Japon, la France, l'Espagne, le Canada, l'Australie ou les Etats-Unis. 
 

Des milliers de moutons dans l'eau

Que reste-t-il des 15 000 moutons qui ont chaviré au large des côtes roumaines ? Dimanche 24 novembre, un cargo qui transportait 14 600 bêtes vers l'Arabie Saoudite s'est retourné après avoir quitté le port de Midia, dans la mer Noire. 

Comme le raconte le Guardian, la course contre la montre est toujours engagée pour tenter de sauver les moutons prisonniers du Queen Hind, ce navire battant pavillon de Palau qui en était à son 15è voyage de ce type en 2019. Dans une vidéo, publiée lundi par l'ONG Animals international, on voit flotter quelques dizaines de corps de moutons à côté du cargo. Lundi, seuls 33 animaux avaient pu être sauvés. Difficile de savoir dans quel état seront retrouvées les milliers d'autres bêtes.

© Animals international

Selon l'Agence France Presse, la Roumanie est le troisième plus important éleveur de moutons en Europe et l'un des premiers exportateurs vers le monde arabe. Deux millions de moutons ont ainsi été exportés depuis deux ans, toujours selon l'AFP. Les conditions de transport ont souvent été dénoncées par les ONG. L'été, de nombreux moutons meurent de déshydratation, ou de la chaleur. 

« Au vu de [ce] désastre, nous exhortons l'Union européenne à interdire les exportations d'animaux aux pays hors-UE, a déclaré au Guardian Peter Stevenson, porte-parole de l'ONG Compassion in world farming (CIWF). Ce commerce cruel enfreint l'article 13 du traité de Lisbonne qui reconnaît les animaux comme des êtres sensibles ». A lire en français sur le site du Monde.

Il est un autre commerce dont on parle moins en occident : celui des cornes de rhinocéros, très prisées en Chine et au Vietnam. La nouvelle qui va suivre a l'air d'une plaisanterie, mais c'est pourtant bien sérieux. Pour lutter contre le braconnage de ce mammifère en voie de disparition, des chercheurs de l'université d'Oxford en Angleterre et de celle de Fudan en Chine ont créé de fausses cornes de rhinocéros en poils de chevaux. Ils souhaitent ainsi inonder le marché noir de ces contrefaçons très réalistes afin de faire baisser la pression sur les populations. 892 rhinocéros ont été braconnés pour leur corne en 2018. 

Dans un étonnant article, le New York Times organise le débat – inattendu – entre partisans et adversaires de la corne de rhino synthétique. Un économiste propose par exemple d'introduire des contrefaçons de mauvaise qualité ou qui rendent malade pour nuire à tout le marché. D'autres considèrent que le marché est déjà plein de contrefaçons crédibles et que les principaux acheteurs, ayant déjà leurs fournisseurs attitrés, ne se laisseront pas berner. 

C'est bien sur les riches acheteurs que la lutte devrait se focaliser, de l'avis du fondateur de l'ONG Nature needs more, qui espère réussir à les faire changer d'avis. Au sein de la haute bourgeoisie chinoise et vietnamienne, ces cornes servent d'objets ornementaux et sont offerts comme cadeaux. Au Vietnam, elles font partie de la médecine traditionnelle. Bien que, comme l'ont montré plusieurs sondages, une majorité des riches acheteurs vietnamiens ne croient plus aux vertus médicinales des cornes de rhinocéros, ils continuent, par exemple, à en offrir aux malades en fin de vie.

Les pétitions, les marches, les décrochages de portraits, les gilets jaunes... Si les mouvements nationaux ont leurs vertus, d'aucuns considèrent que c'est à l'échelle locale que les citoyens peuvent avoir le plus d'impact. Il est encore tempsLe mouvement, Partager c'est sympa et Notre affaire à tous lancent « SuperLocal ». Le but de cette nouvelle campagne : augmenter la visibilité et la force de frappe des luttes contre les grands projets polluants et/ou inutiles. Le site superlocal.team en a cartographié plusieurs centaines, du chantier de l'EPR de Flamanville dans la Manche à la déviation routière de Beynac en Dordogne. Toute la campagne est détaillée dans cette vidéo, mitonnée par Partager c'est sympa.