Calmos sur les calmars

Chères toutes, chers tous,

Nous vous rappelons que tout au long de l'après-midi de demain (si le ciel ne nous tombe pas sur la tête), une partie de l'équipe de Vert viendra à votre rencontre dans le cadre du "Festival des possibles" de la Base, à Paris. Cliquez ici pour accéder à la programmation de ces trois journées de festivités autour de l'écologie. 


Pendant que certain•e•s s'émerveillent des rares endroits où subsiste la vie marine, d'autres s'emploient à piller la mer en bande organisée. 

Pillage au large des Galapagos 

Calmos sur les calmars. Au large des Galapagos, une armada de navires chinois a vidé les eaux de leurs poissons et autres céphalopodes, au cours de 73 000 heures cumulées de pêche entre juillet et août derniers. 

C'est ce que révèlent les spécialistes de la conservation marine du groupe Oceana, dans un rapport publié mercredi 16 septembre. Pour arriver à cette conclusion, elles et ils se sont appuyés sur un outil de modélisation mis au point par l'ONG Global Fishing Watch, qui compte Google parmi ses partenaires.

Une méthode qui leur a permis de mesurer l'ampleur réelle du pillage et de prouver que de nombreux navires avaient désactivé leur système d'identification. Ce que le gouvernement de l'Equateur, dont l'archipel est une province, avait dénoncé publiquement fin août

Les observations de navires de pêche chinois. La couleur indique le nombre d'heures passées sur chaque point - entre 0,1 (bleu foncé) et 213 (jaune)   © Oceana

A eux seuls, près de 300 bateaux chinois ont réalisé 99% des opérations de pêche menées entre le 13 juillet et le 13 août à la lisière de la réserve marine des Galapagos, inscrite au patrimoine mondial de l'Unesco. Cible principale : le calmar, base de l'alimentation des habitants de l'archipel, mais aussi d'espèces locales menacées, comme le requin-marteau et l'otarie à fourrure. 

Comme le rappelle Oceana, la flotte chinoise est – de très loin – la plus importante du monde avec près de 17 000 bateaux de pêche opérant dans les eaux internationales, contre quelques centaines pour l'Europe et les Etats-Unis. La Chine se classe dernière de l'indice IUU, pour ses pratiques documentées de pêche illicite, non déclarée et non réglementée. Plus d'informations dans le Guardian (en anglais). 

L'accord UE-Mercosur augmentera la déforestation

Mercoplusisûr. L'accord commercial entre l'Union européenne (UE) et le Mercosur contribuera à accroître la déforestation en Amérique du Sud, d'après un rapport remis ce vendredi au gouvernement français. 

Néfaste pour les agriculteurs, l'environnement et la santé... Ce pacte douanier signé en 2019, qui doit lier l'UE au Brésil, au Paraguay, à l'Uruguay et à l'Argentine, continue de s'attirer des critiques nourries. 
Une « occasion manquée » pour le climat ; mise sur pied par Edouard Philippe alors qu'il était premier ministre, et menée par l'économiste de l'environnement Stefan Ambec, la commission d'expert•e•s à l'origine du rapport ne mâche pas ses mots. 

Dans ce document, à paraître aujourd'hui mais dont les principaux enseignements ont été dévoilés par l'AFP et le Monde, la commission imagine plusieurs trajectoires possibles pour les années à venir, basées sur des importations plus ou moins importantes de boeuf en Europe, ou de l’intensification - ou non de l’élevage. 

Selon l'hypothèse la plus probable, l'augmentation prévue de 2 à 3% de la production de bœuf à destination du marché européen entraînerait une hausse de la déforestation de 5% par an pendant les six années suivant la mise en œuvre de l'accord. Soit un total de 700 000 hectares. L'élevage de bœufs et la culture de soja pour les nourrir nécessitent de larges terres qui sont, de plus en plus souvent, empruntées à la forêt. 

Le jeu n'en vaut pas la chandelle, selon le rapport, qui indique que le coût des émissions de CO2 supplémentaires nées de la déforestation serait plus élevé que les bénéfices économiques attendus. Si l'accord prévoit des clauses portant sur le climat et la protection de la biodiversité, celles-ci sont non-contraignantes et jugées « fragiles » par les auteur•rice•s du rapport. 

L'accord a déjà été rejeté par les Parlements autrichien et néerlandais. La chancelière allemande Angela Merkel, ainsi qu'Emmanuel Macron, se montrent de plus en plus réservés à son égard. Vers un enterrement de première classe ? 

• La députée LREM Anne-Laure Cattelot propose la création d'un fonds pour l'avenir des forêts doté de 300 millions d'euros, dans un rapport remis jeudi 17 septembre au ministre de l’agriculture. Cette enveloppe devrait permettre de « reconstituer massivement les forêts sinistrées, anticiper, enrichir et adapter à l'aune de nos connaissances les peuplements vulnérables au changement climatique et créer de nouvelles forêts »Actu-environnement

• Cinq ans après le scandale mondial du « Dieselgate », l’ONG ClientEarth lance une action en justice dans cinq pays pour mettre fin à la clause de confidentialité dont bénéficient encore les constructeurs automobilesCensée protéger leurs « intérêts commerciaux », celle-ci empêche les consommateur•rice•s de savoir quelles sont les quantités d’oxydes d’azotes (NoX - des gaz toxiques) émises par leurs véhicules - Le Monde (abonnés) 

L'histoire méconnue du colonialisme vert

Une Afrique des vastes plaines vierges et du Roi Lion, intouchée depuis des millénaires, qu'il faudrait protéger des Africains eux-mêmes... Dans L'invention du colonialisme vert, l'historien de l'environnement Guillaume Blanc démonte des décennies de préjugés sur la protection de la nature dans le continent

Au fil de 300 pages d'une rare clarté, l'universitaire se penche sur le cas de l’Éthiopie pour raconter cette histoire méconnue. Il y dénonce la vision romantique et foncièrement colonialiste qui a présidé à la création des parcs naturels. Héritiers directs des réserves de chasse coloniales, ceux-ci ont été créés non sans violence envers les agro-pasteurs qui y vivaient depuis des milliers d'années.

Se basant sur un travail d'archives inédit, Guillaume Blanc décrit le monde hors-sol des experts internationaux, prisonniers des représentations occidentales qui ont imprégné leurs rapports depuis des décennies. Pour protéger les zones naturelles supposément dégradées par leurs habitants, les consultants étrangers n'ont pas hésité à recommander l'interdiction de l'agriculture ou le déplacement des populations séculaires hors des parcs. Les gouvernements locaux, qui avaient dans le viseur le sacro-saint tampon « patrimoine mondial de l'Unesco » - et les revenus touristiques attendus, ont usé de zèle pour appliquer leurs conseils, au prix parfois d'une extrême brutalité.

Des institutions internationales au WWF, c'est toute une série d'acteurs de la protection de l'environnement qui en prend pour son grade. Et l'auteur d'énoncer, au sujet des occidentaux des années 1950 : « En faisant porter aux Africains la responsabilité des dégâts causés par les Européens, l’État et les colons peuvent continuer de nier l'évidence : pour sauver la nature, ils devraient la protéger du capitalisme, le leur ».

L'invention du colonialisme vert, Guillaume Blanc, éditions Flammarion, 2020, 21,90€. Une chronique signée Juliette Quef. 

Le vendredi, chez Vert, c'est le jour du Do it yourself (Faites-le vous-même) ! Pour y voir plus clair en ces temps obscurs, voici la recette d'une bougie maison, bon marché et écologique.

Vous pouvez cliquer sur l'image pour l'afficher en plein écran et l'enregistrer d'un coup de clic droit © Vert

20 000 ans sous les mers

Minée par les pollutions en tous genres, la mer Méditerranée recèle pourtant de nombreux trésors encore méconnus. Pour s'en convaincre, les quatre spécialistes de la mission Gombessa 5 se sont offerts une petite plongée... de 28 jours

Abrités dans une bulle d'acier de 5m2 saturée d’hélium qui les fait parler comme des canards, les quatre plongeurs émérites ont pu prendre tout leur temps pour sonder les profondeurs comme jamais auparavant. Accouplement rarissime de calmars, rencontre avec l'énigmatique gorgonocéphale ; proposé par Arte, le superbe documentaire Planète Méditerranée raconte cette folle expédition menée à l'été 2019 au large de la Côte d'azur.

© Arte découverte