«Quand tu es écolo, tu es déjà politisé à gauche», estime Pierre Rouvière, alias Ecolo mon cul sur Instagram. Comme beaucoup d’autres influenceur·ses qui s’intéressent à l’écologie, il n’a pas hésité longtemps avant de prendre position contre l’extrême droite après l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale, dimanche 9 juin.
À l’appel de Perrine Bon, créatrice de l’agence activiste et engagée Perrineam, 250 d’entre elles et eux se sont rassemblé·es dans un groupe WhatsApp pour collaborer et s’unir contre le Rassemblement national (RN).
Dans une tribune parue le 13 juin dans le Nouvel Obs, une soixantaine d’entre elles et eux ont donné le ton : «Face à l’urgence démocratique liée à la possible arrivée de l’extrême droite au pouvoir, nous, influenceuses et influenceurs, avons décidé de faire bloc et de réunir nos communautés autour d’un message d’espoir et de tolérance», afin «d’éveiller les consciences, d’appeler au vote et de bloquer massivement l’extrême droite».
Dans cette boucle hyperactive où pleuvent les idées et propositions, on trouve des profils très divers : artistes, influenceur·ses plus ou moins politisé·es, journalistes. Des comptes dont les audiences vont de quelques milliers de followers à des centaines de milliers. Le but : une créativité maximale et des relais massifs de publications, souvent postées en collaboration, c’est-à-dire à partir de plusieurs comptes à la fois. De quoi faire beaucoup de bruit sur les réseaux sociaux pour masquer celui des militant·es d’extrême droite. «Eux assument à fond alors pourquoi pas nous», s’interroge Vinz Kante, influenceur écolo et fondateur du média Limit.
Pour lui, il était déjà important de rappeler les bases : «Il y a plein de gens qui ne voyaient pas le point commun entre la politique et l’écologie, décrit-il. Il ne faut pas oublier qu’il y a beaucoup de néophytes qui font juste le tri et qui n’ont pas conscience des problèmes systémiques, économiques et politiques». Le militant insiste aussi sur l’importance de décortiquer le discours de l’extrême droite en France, et en Europe : «Ces partis ne feront jamais de vraie écologie de par leur système de pensée. Quand tu luttes contre le changement climatique, tu es obligé de faire barrage à ces gens-là».
Le groupe WhatsApp est aussi l’occasion de se serrer les coudes. «On peut bosser ensemble au lieu de rester seule chez soi à déprimer, explique la dessinatrice Math (alias Cht.am) et co-organisatrice du groupe. On accompagne les influenceurs qui font du contenu moins politisé et qui n’ont pas forcément l’habitude». Sur son compte Instagram, elle publie presque tous les jours ses dessins monochromes aux personnages ronds et émotifs qui expliquent et/ou traduisent les messages politiques de la gauche et de la droite. «On s’est vite organisé dès le lendemain de la dissolution pour expliquer pourquoi le RN est raciste, sexiste et soutient une politique climaticide, explique-t-elle. On a aussi fait des posts pour aider à faire une procuration et à soutenir l’union de la gauche».
La joute digitale avec le RN est devenue primordiale pour les influenceur·ses. Les edits, ces courts montages vidéos d’une minute qui starifient des personnalités politiques sur un fond de références pop culture, se multiplient de part et d’autres. Pour unir et partager les forces, Tahzio, alias Axel Beaussart, spécialiste de l’internet, chroniqueur sur la radio Mouv’ et créateur du média Spotters, a fondé le réseau Gauche d’internet. «C’est une cuisine à contenus, décrit-il. C’est un peu comme tracter sur des marchés mais sur internet».
Réunis sur un serveur, plus de 2 200 personnes œuvrent à monter, dessiner, produire des messages pour faire la promotion du Nouveau Front populaire et discréditer le Rassemblement national. «La force de l’extrême droite, c’est qu’ils arrivent à être bien coordonnés pour inonder internet avec les mêmes messages. À gauche, on est très fort pour créer mais on était trop dispersés».
Depuis plusieurs jours ces contenus inondent les réseaux sociaux et rencontrent un franc succès. «On a des vidéos qui font plus 200 000 vues», rapporte Thazio. L’objectif de l’opération : rallier la jeunesse absentéiste. «On a une majorité de jeunes qui nous suivent, décrit Vinz Kante. Sur Facebook, les 18–30 ans se mobilisent pas mal». Impossible de savoir si cette effervescence dans le monde de l’influence ira jusqu’à motiver les plus réticents à voter mais, en attendant, plus de 400 000 procurations ont été réalisées en une semaine pour aller voter aux législatives, soit 6,5 fois plus qu’en 2022 sur la même période.
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