Reportage

One polar summit : les solutions des scientifiques pour mieux comprendre les bouleversements de la cryosphère

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C’est la glace. Les plus grand·es spé­cial­istes de la cryosphère sont réuni·es au One Polar Sum­mit, du 8 au 10 novem­bre à Paris, pour pro­pos­er leurs recom­man­da­tions aux gou­verne­ments afin de mieux com­pren­dre les zones glaciaires ter­restres et ralen­tir la fonte des glaces.

Face au réchauf­fe­ment cli­ma­tique, les pôles font office «d’alarme incendie du cli­mat», résumait Céline Le Bohec, chercheuse spé­cial­isée en biolo­gie polaire, mer­cre­di après-midi. Alors que l’Antarctique et l’Arctique se réchauf­fent respec­tive­ment deux et qua­tre fois plus vite que le reste du monde, leur rôle dans la régu­la­tion du cli­mat est grande­ment per­tur­bé. La fonte des calottes glaciaires, main­tenant irrémé­di­a­ble, con­damne des écosys­tèmes pré­cieux et par­ticipe à la hausse du niveau marin glob­al qui entraîn­era le déplace­ment de mil­lions de per­son­nes. Encore mys­térieux, le fonc­tion­nement des pôles doit être mieux com­pris pour pou­voir mieux prédire ses évo­lu­tions et mieux les anticiper.

La chercheuse en sci­ences polaires, Antje Boetius et le glacio­logue, Jérôme Chap­pel­laz, les deux président·es de ce som­met. ©Alexan­dre Carré/Vert

Plus de moyens

Comme dans d’autres domaines, la recherche sur l’ensemble des mass­es de glaces ter­restres, appelé cryosphère, souf­fre d’un manque de moyens. «Nous avons besoin de plus d’infrastructures polaires, pour combler les lacunes en matière de con­nais­sances, d’informations et de prévi­sions sur la cryosphère, explique à Vert Antje Boetius, chercheuse en sci­ences polaires, direc­trice de l’In­sti­tut Alfred Wegen­er, en Alle­magne et co-prési­dente du som­met. Actuelle­ment, les bateaux et les bases néces­saires aux expédi­tions polaires sont très vieil­lis­sants et pas adap­tés pour recevoir beau­coup de per­son­nes». Pour avoir une com­préhen­sion pré­cise à large échelle et sur le long terme, les sci­en­tifiques ont aus­si besoin d’outils à la pointe de la tech­nolo­gie et des mod­èles per­for­mants extrême­ment coû­teux. Un investisse­ment plus impor­tant per­me­t­trait aus­si de pouss­er la recherche sur les impacts directs de la fonte de la cryosphère comme l’hab­it­abil­ité des zones côtières, la sécu­rité humaine et ali­men­taire, les écosys­tèmes et l’é­conomie.

Plus d’humains

Les pro­grammes de recherche sont sou­vent menés en équipe. Davan­tage de moyens per­me­t­traient d’engager plus de monde pour aider les études en cours et mul­ti­pli­er les domaines de recherche dans une seule mis­sion. Le som­met met aus­si en avant l’importance de val­oris­er les sci­en­tifiques en début de car­rière, afin de pro­mou­voir une sci­ence inno­vante, diver­si­fiée, égal­i­taire et inclu­sive.

Plus de temps

Le manque de moyens et de per­son­nes empêche les études sur le long terme, pour­tant essen­tielles à la com­préhen­sion de la cryosphère qui évolue très rapi­de­ment et requiert une atten­tion con­stante et pro­longée. Qu’il s’agisse de la physique de la glace de mer, la chimie de l’océan Aus­tral ou le déplace­ment des pop­u­la­tions de Man­chots empereur. «Les États doivent réfléchir sur le long terme, pas jusqu’à la prochaine élec­tion», plaisante Antje Boetius.

Plus de collaboration

Dans les assem­blées du One polar sum­mit, chaque sci­en­tifique qui appelle à met­tre la col­lab­o­ra­tion au cen­tre des recherch­es est très applau­di. «Out­re le partage nos moyens matériels et financiers, l’important est de partager nos con­nais­sances et notre temps, décrit à Vert, Yan Rop­ert-Coud­ert, chercheur spé­cial­iste en biolo­gie marine et directeur de l’institut polaire français Paul-Émile Vic­tor. Des sci­en­tifiques veu­lent encour­ager les coopéra­tions régionales avec les habitant·es des zones glaciaires — comme les Inu­its ou les Sher­pas. Le partage de don­nées avec le domaine spa­tial est égale­ment appelé à être ren­for­cée pour mieux étudi­er l’évolution des glac­i­ers et des pôles depuis l’espace.

Plusieurs mem­bres du som­met ont rap­pelé qu’il sera impos­si­ble d’enrayer la fonte des glaces si les États ne réduisent pas dras­tique­ment leurs émis­sions de gaz à effet de serre et ne respectent pas les objec­tifs de l’Accord de Paris.