Décryptage

L’usine de captage de Shell émet davantage de CO2 qu’elle n’en stocke

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I hear Shell in my oreil­lette. Mal­gré son sys­tème de cap­tage et stock­age de car­bone (CSC), l’u­sine de pro­duc­tion d’hy­drogène de Shell au Cana­da émet plus de CO2 qu’elle n’en absorbe.

Bap­tisée « Quest », l’u­sine de Shell située dans l’Al­ber­ta, au Cana­da, est très émet­trice de gaz à effet de serre. Pour pro­duire cet hydrogène, elle utilise un procédé (le refor­mage du méthane) qui néces­site l’emploi de gaz fos­sile et libère de grandes quan­tités de car­bone. Le H2 (dihy­drogène) qui sort de son usine servi­ra ensuite à raf­fin­er le pét­role issu des sables bitu­mineux, dont l’ex­trac­tion défig­ure cet État de l’ouest cana­di­en.

Pour faire accepter au grand pub­lic l’idée que cette pro­duc­tion est écologique (l’in­dus­trie par­le ici d’hy­drogène « bleu »), le géant a promis de pom­per le dioxyde de car­bone (CO2) qui sort de son usine, et de le stock­er à deux kilo­mètres de pro­fondeur. Avant que celui-ci ne s’échappe dans l’at­mo­sphère et ne vienne aggraver le réchauf­fe­ment. Ce procédé s’ap­pelle le cap­tage et stock­age de car­bone et il est présen­té par Shell dans cette vidéo (en anglais) :

Hélas ! Mal­gré son ruti­lant aspi­ra­teur à CO2, les esprits cha­grins de Glob­al wit­ness ont décou­vert que « Quest » émet­tait davan­tage de CO2 qu’elle n’en stocke ! Comme elle le racon­te dans un nou­veau rap­port, l’ONG a cal­culé qu’en­tre 2015 et 2019, l’u­sine a stocké 4,8 mil­lions de tonnes (méga­tonnes) de gaz à effet de serre. Bien moins que les 7,7 méga­tonnes émis­es dans le même temps. « Seules 48% des émis­sions de car­bone de la cen­trale sont cap­turées, très loin du taux de 90% promis par l’in­dus­trie fos­sile », raille Glob­al wit­ness.

Le pro­jet « Quest » de Shell a un bilan car­bone com­pa­ra­ble à celui de 1,2 mil­lion de voitures, d’après l’ONG, qui déplore égale­ment son lourd impact sur les finances publiques : sur le mil­liard de dol­lars (améri­cains) qu’au­rait coûté ce pro­jet pilote, 654 mil­lions vien­nent d’aides gou­verne­men­tales.

Pour Glob­al wit­ness, le pro­jet de Shell sert prin­ci­pale­ment d’ar­gu­ment à l’in­dus­trie fos­sile pour gag­n­er du temps et remet­tre aux cal­en­des grec­ques l’indis­pens­able baisse de sa pro­duc­tion. Une étude très com­men­tée, parue en sep­tem­bre 2021 dans Nature, avait déter­miné que la vaste majorité des réserves cana­di­ennes de pét­role devraient rester sous terre afin de con­serv­er un espoir de con­tenir le réchauf­fe­ment à moins de 1,5°C. Un pro­jet à enter­rer ?