chronique littéraire

«Je ne suis pas une libellule», petite critique de la raison naturaliste

Ruisseau dans l'inconnu. Au fil de ses prospections le long des zones humides, l'entomologiste Gwenaël David raconte l'emprise rampante du capitalisme sur les espaces naturels – et le rôle ambigu qu'y jouent les naturalistes. Un récit poétique et politique.
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Gwenaël David n’est pas une libellule, voilà qui est à peu près certain. Il est en revanche un très habile conteur de l’insoupçonnée biodiversité qui peuple nos bras d’eau, tourbières et autres milieux humides méconnus.

Des marais de Martinique aux ruisseaux jurassiens, ce spécialiste des odonates (libellules, demoiselles et autres petits «dragons volants») raconte ses explorations à la recherche des spécimens les plus remarquables.

Des insectes aquatiques aux réflexions politiques

Clapotis, bourdonnements et boue collante accompagnent les descriptions passionnantes d’insectes en tout genre – dont les abracadabrantesques noms latins ne manquent pas de susciter la curiosité.

L’émerveillement devant ces rencontres éphémères se double d’une réflexion plus profonde – et complexe – autour de l’omniprésence du capitalisme au cœur de ces milieux «naturels».

© Cause perdue éditions

Ici le citoyen furibond de voir des inconnus explorer sa propriété, là l’investisseur inquiet face à ces drôles de naturalistes capables d’identifier des espèces protégées susceptibles de menacer son projet immobilier (ou est-ce, à l’inverse, le projet qui menace l’espèce ?). Et, partout, les haies disparues, les prairies drainées, les espaces industriels s’entremêlant aux rus abandonnés.

D’enquêtes environnementales jouées d’avance en mesures de compensation ridicules, ce nouveau récit court mais dense – 80 pages et probablement autant d’anecdotes de terrain – est avant tout une analyse critique de la manière dont les logiques de profit façonnent l’environnement.

Le rôle des spécialistes du vivant n’est pas épargné dans ce livre de la toute nouvelle maison d’édition politico-littéraire Cause perdue. Avec ce questionnement qui revient inlassablement : les naturalistes sont-ils les serviteurs malgré eux de l’ordre en place, ou doivent-ils mettre leurs connaissances des espèces protégées et des milieux menacés au service de la lutte des classes ? Une chose est sûre, après ce livre vous ne verrez plus les libellules de la même manière.

«Je ne suis pas une libellule», de Gwenaël David, Cause perdue éditions, août 2025, 80 pages, 12 euros.

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