C’est l’hécatombe sous nos lampadaires, pourtant la lutte contre la pollution lumineuse continue d’être le parent pauvre dans la protection de la biodiversité.
Sous le feu des projecteurs – et autres enseignes clignotantes -, la nuit est en voie de disparition. « Le phénomène est en augmentation constante et touche désormais toute la planète, à de rares exceptions près », indique Romain Sordello, expert de l’Office français de la biodiversité. Or, si les humains souffrent surtout de nostalgie face à la disparition du ciel étoilé, c’est là un moindre mal comparé aux effets délétères constatés sur le reste du vivant.
« On le sait peu mais la majorité des animaux sont nocturnes », explique ainsi Romain Sordello. Quand les lumières restent allumées la nuit, ce sont donc 30% des vertébrés et 65% des invertébrés qui s’en trouvent directement perturbés. Les animaux attirés par la lumière – car ils se dirigent grâce aux astres – se retrouvent désorientés, comme les insectes qui meurent d’épuisement sous les lampadaires ou les bébés tortues qui s’égarent sur leur chemin vers la mer. D’autres, à l’inverse, fuient la luminosité – pour se protéger des prédateurs, par exemple – et voient alors leur habitat sensiblement réduit et fragmenté. Indirectement, l’éclairage nocturne a aussi un impact sur les plantes car les insectes sont détournés de la pollinisation, qui a surtout lieu la nuit. Enfin, le déploiement des lumières LED ne devrait rien arranger puisque leur spectre de lumière riche en bleu perturbe le rythme biologique de tous les animaux, humains compris.
Le contexte est peu réjouissant : on estime ainsi que la pollution lumineuse est la deuxième cause de mortalité chez les insectes, juste derrière les pesticides. Pourtant, « il existe des marges de manœuvres importantes pour réduire cet impact sans perdre de confort », note Romain Sordello. La France est d’ailleurs « réellement un pays pionnier » sur le sujet. « Plusieurs textes ont été promulgués depuis 2012 pour organiser l’extinction des enseignes lumineuses, fixer des seuils maximum de luminosité pour l’éclairage et limiter le spectre de couleurs autorisés », concède-t-il. « Mais il y a un énorme manque d’application ».
La prise de conscience pourrait toutefois évoluer prochainement avec la parution d’un indicateur national de pollution lumineuse prévu à l’automne, qui permettra de cartographier les nuisances sur le territoire. D’autre part, la révision de la future stratégie nationale biodiversité pour 2021-2030 d’ici la fin de l’année va – pour la première fois – intégrer un chapitre dédié à la biodiversité nocturne.