Décryptage

Des répulsifs sonores contre les prises accidentelles de dauphins : une solution qui fait du bruit

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Cétacé fort ? Des pro­grammes de recherche ten­tent de repro­duire le son des dauphins pour les empêch­er d’approcher les filets de pêche. Sous la pres­sion de l’Union européenne, la France vient d’élargir l’expérimentation de cette tech­nolo­gie à la moitié des bateaux du Golfe de Gascogne.

Trois systèmes sonores à l’essai

Comme une alarme ressen­tie à plusieurs cen­taines de mètres à la ronde, le «pinger» — aujourd’hui le plus répan­du — agit comme un répul­sif pour les dauphins. D’abord instal­lé sur les plus gros bateaux de pêch­es — les cha­lu­tiers — à par­tir de 2008, le sys­tème va désor­mais équiper la coque de près de 130 fileyeurs — des navires de moins de douze mètres. Lorsqu’ils captent le son de dauphins aux alen­tours, ces «pingers» envoient alors des «clics» — ou «ping» en anglais — cen­sés les faire fuir.

Pour affin­er les alertes, de nou­velles balis­es repro­duisent, quant à elles, la sig­na­ture acous­tique d’un filet pour que les mam­mifères marins puis­sent le détecter à temps. Ces émet­teurs «bio-inspirés» envoient alors un mes­sage d’alerte à plusieurs cen­taines de mètres du lieu de pêche.

Enfin, des miroirs sont depuis peu en cours d’évaluation pour refléter les sig­naux acous­tiques émis par les dauphins. Ces réflecteurs dits «pas­sifs» sont placés dans les filets pour ren­voy­er les ondes émis­es par le dauphin et l’avertir plus tôt qu’un filet se trou­ve sur son chemin.

Ce sché­ma explique le fonc­tion­nement des pingers répul­sifs afin d’éloigner les dauphins pen­dant les opéra­tions de pêche de cha­lu­tiers pélag­iques © UMS PELAGIS

Pour répon­dre aux rap­pels à l’ordre de la Com­mis­sion européenne sur la con­ser­va­tion des espèces pro­tégées, le gou­verne­ment a annon­cé l’expérimentation de ces trois tech­nolo­gies à grande échelle avant de les généralis­er pour tous les pêcheur·ses de la zone.

Des systèmes efficaces, mais dont la généralisation interroge

«L’équipement des cha­lu­tiers a per­mis de réduire de 70% les pris­es acci­den­telles de dauphins», se félicite Yves Le Gall, chargé du pro­gramme à l’Institut français de recherche pour l’ex­ploita­tion de la mer (Ifre­mer). «Il n’y aura jamais d’efficacité totale, puisque mal­gré le son, cer­tains iront quand même s’ils ont très faim», pré­cise-t-il à Vert. L’examen des ani­maux échoués a pour­tant mon­tré que les cha­lu­tiers n’étaient pas à l’origine de la grande majorité des pris­es acci­den­telles. «Il n’y a que 12 paires de cha­lu­tiers français ; médi­a­tique­ment, c’est plus sim­ple à suiv­re et his­torique­ment, ils sont plus mis en avant», jus­ti­fie Bastien Mérig­ot, chercheur en biolo­gie à l’Université de Mont­pel­li­er pour expli­quer ce décalage. L’attention se con­cen­tre donc désor­mais sur les fileyeurs, beau­coup plus nom­breux et dif­fi­ciles à équiper. «Les filets font cha­cun plusieurs dizaines de kilo­mètres. Il est donc impos­si­ble de met­tre des répul­sifs partout», recon­naît Yves Le Gall.

Une balise acous­tique de sig­nale­ment, ou «pinger» © Groupe de recherche sur les cétacés

Pour con­tourn­er le prob­lème, les pingers sont accrochés sur les coques des bateaux et non sur les filets ; ils ne seront par ailleurs util­isés qu’au moment de la mise en eau des filets. Prob­lème : «S’il n’y avait que quelques dizaines de bateaux de pêche, ça pour­rait s’entendre, mais là, on va éloign­er les dauphins sur des mil­liers de kilo­mètres car­rés», s’inquiète Lamya Essem­lali, porte-parole de l’association de défense des ani­maux marins Sea Shep­herd. «On va les éloign­er au max­i­mum de 300 mètres ce qui ne les per­turbe pas pour trou­ver de la nour­ri­t­ure», répond Yves Le Gall. Il pré­cise que le sys­tème n’a pour l’instant jamais été expéri­men­té à si grande échelle.

Le maintien des techniques traditionnelles de pêche en question

Der­rière cette tech­nolo­gie, les pêcheur·ses espèrent pour­tant trou­ver un moyen de con­tin­uer leurs activ­ités tout en respec­tant les traités inter­na­tionaux de pro­tec­tion des mam­mifères marins. «L’idée, c’est de généralis­er les équipements d’i­ci à 2025 en com­bi­nant peut-être plusieurs solu­tions», avance Yves Le Gall. Du côté des asso­ci­a­tions de défense de l’environnement, on ne voit qu’un remède : le change­ment des pra­tiques de pêche et des habi­tudes de con­som­ma­tion de pois­son. «Ce sont des gad­gets qui per­me­t­tent de don­ner du temps. On a filmé à de mul­ti­ples repris­es des cha­lu­tiers équipés de pingers avec des dauphins dans leurs filets pas plus tard que la semaine dernière», s’agace Lamya Essem­lali. Alors que les États-Unis ou l’Australie sus­pendent la pêche en cas de pris­es acci­den­telles trop nom­breuses, le Golfe de Gascogne sem­ble pour l’heure être l’un des seuls endroits à expéri­menter des équipements sonores répul­sifs à grande échelle.