Reportage

Atelier « 2tonnes » : le jeu pour saisir l’ampleur de l’effort à accomplir pour le climat sans désespérer

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On va en faire des tonnes. En une par­tie de trois heures, le jeu « 2tonnes » sen­si­bilise aux efforts — indi­vidu­els et col­lec­tifs — néces­saires pour respecter l’accord de Paris et per­me­t­tre à tou·tes de vivre dans un monde à moins de 2°C de réchauf­fe­ment. Il réus­sit à don­ner de vraies clés d’action et les bons ordres de grandeur tout en lais­sant la place au débat et à l’entraide.

« Si vous êtes ici, c’est que vous vous deman­dez com­ment mieux faire la tran­si­tion écologique », com­mence Audrey, l’animatrice bénév­ole de l’atelier en ligne auquel Vert est con­vié. Le principe de « 2tonnes » est sim­ple : l’empreinte car­bone moyenne d’un·e Français·e se situe autour de neuf tonnes de CO2-équiv­a­lent par an. En une par­tie de trois heures, les joueur·ses devront faire pass­er leur empreinte per­son­nelle, mesurée avant le début de l’atelier, à deux tonnes de CO2 en 2050. Soit la mar­que qu’il faudrait attein­dre pour con­tenir le réchauf­fe­ment bien en deçà de 2°C par rap­port à l’ère préin­dus­trielle. Et s’épargner cer­tains des pires effets de la crise cli­ma­tique.

Créée en 2020 par François Laugi­er, ingénieur, et Pierre-Alix Lloret, passé par une école de com­merce et une fac­ulté de philoso­phie, cette « expéri­ence péd­a­gogique » est hébergée par l’entreprise de l’économie sociale et sol­idaire du même nom – 2tonnes. « Le but est de met­tre en mou­ve­ment les acteurs de la tran­si­tion — indi­vidus, entre­pris­es, étu­di­ants et pou­voirs publicsen leur per­me­t­tant d’agir. Agir rend heureux et génère une dynamique qui se trans­met de manière expo­nen­tielle », explique à Vert Pierre-Alix Lloret.

À cha­cun des huit tours que com­prend le jeu, les participant·es utilisent des cartes d’actions pour réduire leur empreinte car­bone. Les répons­es — à la fois indi­vidu­elles et col­lec­tives — alter­nent, tout comme les thé­ma­tiques : ali­men­ta­tion, mobil­ités, con­som­ma­tion de biens et ser­vices, énergie, etc. Pour ce pre­mier tour, on abat ses cartes : « devenir flex­i­tarien », « rem­plac­er la viande rouge », « partager des infos sur les enjeux écologiques ». Cer­taines cartes visent aus­si à mobilis­er autour de soi et influ­encer les organ­i­sa­tions. C’est un jeu à l’aveugle : on ne sait pas com­bi­en de tonnes de CO2 sont évitées par cha­cune de nos actions. Après chaque tour, des ordres de grandeur remet­tent de l’eau au moulin des dis­cus­sions.

Extraits de l’ate­lier réal­isé en ligne © Vert

Dans le groupe auquel Vert par­ticipe, on trou­ve beau­coup de femmes urbaines qui ont déjà l’impression d’en faire « pas mal » pour la planète. Mais un nœud cristallise toutes les atten­tions. « On m’a dit : “T’es drôle avec ton zéro déchet, ta lessive mai­son et tes cours­es locales, mais tu prends l’avion pour aller à un mariage en Ital­ie”. C’est cul­pa­bil­isant. », témoigne Jus­tine. Un con­stat que partage Emi­lie : « J’ai mesuré mon empreinte, j’étais à qua­tre tonnes et j’étais con­tente. Après, j’ai décidé d’aller en Colom­bie cet été, j’ai inclus le voy­age et je suis passée à sept tonnes. C’est un peu dés­espérant ». Des voy­ages que les jeunes femmes ne sont pas encore prêtes à lâch­er, alors que 80% de la pop­u­la­tion mon­di­ale n’a jamais décol­lé (Vert). « Il faut y aller étape par étape », con­seille l’animatrice, pour les encour­ager.

À mesure que passent les tours, les années filent et le débat monte crescen­do. « Tout ce qu’on ne fera pas main­tenant, ce sera un retard et les efforts seront plus dif­fi­ciles par la suite », prévient Audrey. « On a un droit à l’erreur », nuance Pierre-Alix Lloret. Un crédit de cœurs per­met en effet de mod­i­fi­er ses choix, y com­pris dans les tours précé­dents. On aurait pu s’attendre à un débat épi­der­mique autour du nucléaire et des éner­gies renou­ve­lables, ou à ce que la mesure sur l’instauration de quo­tas car­bone provoque des réac­tions soutenues : il n’en fut rien. « Quand on se pro­jette dans le temps, l’altruisme et la vie en col­lec­tiv­ité prime, on s’écoute, on prend des déci­sions con­certées », com­mente le cofon­da­teur de l’atelier.

L’évo­lu­tion de l’empreinte car­bone des joueur·ses à l’is­sue de l’ate­lier. © Vert

À la fin du jeu, notre groupe a atteint 2,5 tonnes pour les participant·es et trois tonnes pour l’ensemble de la pop­u­la­tion française. Vic­toire témoigne : « J’avais la plus haute empreinte car­bone à 12 tonnes. Je réalise à quel point il est temps de me met­tre en action. » Puis, Fab­rice : « c’est impor­tant de sen­tir que c’est pos­si­ble et de savoir qu’on a toutes les cartes en main ». « Ça per­met de se ren­dre compte qu’avec beau­coup d’efforts, l’objectif n’est pas irréal­iste », con­clut Marie-Hélène. Pour s’inscrire à un ate­lier, en ligne ou en physique, ren­dez-vous sur le site de 2tonnes.