Ce mercredi après-midi, le tribunal judiciaire de Toulouse (Haute-Garonne) a fait salle comble pour le procès de Lison W., Stéphane F., Maël T. et Elouan H. Les quatre prévenu·es étaient jugé·es pour «opposition à l’exécution de travaux publics ou d’utilité publique». Le 27 mars dernier, elle et ils s’étaient enchaîné·es à des engins d’abattage de la société Soins modernes des arbres (SMDA), chargée du défrichage et du débroussaillage sur le tronçon de la future A69 entre Verfeil (Haute-Garonne) et Castres (Tarn). Une action destinée à retarder les coupes d’arbres qui avait duré 3h30 avant l’intervention de la gendarmerie et qui s’était achevée sans incident.
Lors de l’audience, l’avocat de la SMDA a notamment reproché aux militant·es le préjudice subi par la médiatisation de cette action, qui a entraîné une campagne de cyberharcèlement et de nombreux avis Google négatifs entachant la réputation de l’entreprise. «Chacun ses intérêts, pour certains c’est l’avis Google, pour d’autres c’est la vie des arbres», a cinglé en retour l’une des avocates des prévenu·es, Maître Claire Dujardin.
Les activistes ont plaidé l’état de nécessité, une notion juridique qui permet de s’écarter de la légalité si l’on agit face à un danger imminent. Par cette action, elle et ils souhaitaient retarder les dernières coupes d’arbres de la saison, qui devaient être suspendues dès le 31 mars et jusqu’au mois de septembre pour protéger les nidifications d’oiseaux. Stéphane Fillion a expliqué ce qui l’avait poussé à agir : «Quelques jours avant le 27 mars, nous avions repéré plusieurs nidifications en cours dans les arbres, et nous avons identifié plusieurs espèces protégées. C’est en constatant les dysfonctionnements sur les différents sites du chantier que j’ai senti une forme de responsabilité morale, notamment vis-à-vis des générations futures, à passer à l’action».
«En s’enchaînant aux machines ce matin-là, les prévenus ont empêché la destruction a minima de deux espèces protégées», a souligné Maître Clémence Durand.
Les avocates des quatre militant·es ont pu compter sur le renfort de plusieurs témoins : Marie Toussaint, eurodéputée écologiste, Christophe Cassou, climatologue et co-auteur principal du dernier rapport du Giec, Olivier Chollet, référent de l’antenne tarnaise du Groupe national de surveillance des arbres (GNSA), et Sabine Mousson, maire de Teulat (commune tarnaise sur le tracé de l’A69).
À la barre, Christophe Cassou a expliqué que la dynamique actuelle de réduction des gaz à effet de serre était insuffisante, et que l’un des points noirs était le secteur des transports, qui peine à baisser. «À l’échelle de l’Occitanie, les transports représentent 47% des émissions, et l’autoroute A69 contribuera à l’augmentation des émissions», a‑t-il détaillé. Le climatologue en a profité pour rappeler que «le dernier rapport du Giec montre qu’un engagement plus fort de la société civile permet d’accélérer la prise de conscience collective sur les enjeux climatiques».
«Après avoir adopté une loi européenne sur la restauration de la nature, je ne comprends pas que nous puissions développer un projet tel que l’A69, qui va artificialiser 300 hectares, et nuire au climat, à la biodiversité et à la qualité de l’air», a relevé Marie Toussaint. «L’action de Lison, Stéphane, Maël et Elouan est une action de bienveillance pour les arbres, pour les écosystèmes, il est indispensable pour moi de les relaxer.»
«J’ai été témoin de plusieurs opérations d’abattage sur des arbres d’alignement, qui sont pourtant protégés par la loi, et qui ont été arrêtées seulement grâce à la présence de personnes pour s’accrocher à des machines», a affirmé Olivier Chollet, du GNSA.
À l’issue de l’audience, le procureur s’est montré relativement clément dans son réquisitoire, écartant la question de l’état de nécessité mais soulignant la pertinence de l’argument de défense de destruction des espèces protégées. Il a requis 1000 euros d’amende, dont 900 euros avec sursis, pour chacun·e des prévenu·es. Le délibéré sera rendu le 28 février prochain.