La Croix et la manière. Actualités économiques traitées à l’aune de la transition écologique, dossier hebdomadaire consacré à la crise climatique et aux solutions : le journal La Croix opère une importante mue verte. Son rédacteur en chef, Jérôme Chapuis, raconte à Vert l’origine de ces changements et la vision du quotidien chrétien.
En ce début d’année 2023, vous annoncez des choix éditoriaux forts en faveur de l’écologie. Quelle est l’origine de cette mue ?
Nous avons fait le choix de sortir de l’alerte et du plaidoyer pour entrer dans l’ère de l’urgence et des solutions. « Notre maison brûle » [célèbre discours de l’ancien président de la République Jacques Chirac], c’était en 2003. Aujourd’hui, l’enjeu n’est plus seulement de prendre conscience des enjeux environnementaux, mais d’être dans l’action. En France, il y a un relatif consensus sur le constat, pas sur les solutions. Il faut maintenant dégager des solutions communes qui peuvent passer par la technologie, mais surtout par l’échange et le dialogue. La Croix est très attachée à la qualité de la circulation de la parole publique.
Pourquoi avoir choisi de placer l’environnement dans les pages Économie, avec la nouvelle page « Éco et transition » plutôt que d’en faire une thématique transversale ?
Quand vous lisez les rapports scientifiques, vous vous apercevez que la sphère économique a une empreinte déterminante, par rapport aux petits gestes qui ont un impact plus faible. Au fond, la sphère économique, c’est le grand pivot. C’est ce qui nous a conduit à concentrer nos forces sur le service Économie. Par ailleurs, lorsqu’on est un journal de la taille de la Croix, avec une centaine de journalistes, il faut choisir nos points d’entrées sur l’actualité. On n’a pas la même force de frappe qu’un grand quotidien économique. C’est aussi le fruit d’une réflexion sur l’organisation interne de la rédaction.
Qu’est-ce qui change avec cette nouvelle rubrique « Éco et transition » ?
Notre parti pris est de traiter d’économie par le prisme de la transition. Nous jouons sur des ambiguïtés avec le préfixe « Éco » qui se réfère à la fois à l’économie et à l’écologie. « Éco », c’est la « maison commune », donc on va parler de la gestion et du soin de notre maison commune. La transition écologique, tout comme la transition numérique, transforme la sphère économique. Ces deux problématiques sont liées. D’ailleurs, la grande intuition du Laudato Si [la lettre encyclique du pape François sur la sauvegarde de la maison commune, qui date de 2015], est de dire que tout est lié. Il n’y a pas de transition écologique sans justice sociale.
Aujourd’hui, aucune entreprise ne peut chercher à avoir de bons résultats sans se soucier de son impact sur l’environnement. Nous allons continuer à regarder si des grandes entreprises sont en difficulté, en croissance, mais la question des résultats financiers sera secondaire. Ce qui nous intéresse à présent, c’est comment ces entreprises se transforment et comment les organisations s’adaptent au dérèglement climatique.
Vous lancez aussi un cahier hebdomadaire intitulé « Planète : “l’urgence et les solutions” ». En quoi apporter des éléments de réponse à la crise s’inscrit-il dans votre ligne éditoriale ?
Compte tenu de la culture chrétienne dans laquelle nous nous inscrivons, nous avons une voix spécifique. Pour nous, l’écologie ne peut pas se faire sans les femmes et les hommes et elle ne peut pas être un lieu de désespérance.
Cela fait des années que La Croix pratique le journalisme de solutions. Nos lecteurs nous attendent là-dessus. Lancer l’alerte est très important, mais le rôle de la presse est de présenter les sujets dans toute leur complexité et d’ouvrir des portes. Nous allons permettre aux différents acteurs – entrepreneurs, religieux, citoyens – de faire connaître des solutions, d’être des sources d’inspiration pour les autres et de s’impliquer. En cela, la récente nouvelle d’une résorption de la couche d’ozone est la preuve qu’il n’y a de solution que collective et que si tout le monde s’implique à son échelle, nous pouvons faire face aux enjeux de notre temps.
Avec ces trois pages de cahier hebdomadaire, nous nous engageons à offrir, chaque semaine, un grand format et un portrait d’une personnalité en lien avec la transition. Notre premier cahier a porté sur les coopératives éoliennes et nous nous sommes intéressés à la mue écologique du président brésilien Lula.