Chères toutes et chers tous,
Il semblerait que le sujet intéresse un peu plus de monde que ce que les télés ont voulu croire...
La Base était pleine comme un œuf hier soir pour débriefer le dernier rapport du Giec avec nos invité·es ! Hélas, la soirée n'a pas été filmée, mais nous réfléchissons à une manière de faire profiter un plus large public que celui de la petite ville de Paris de ce genre d'événements.
Un numéro où l'on verra que les politiques continuent d’ignorer les scientifiques et que la guerre s’empare des sites atomiques.
L’Ukraine, premier pays très nucléarisé au cœur d’un conflit de haute intensité
Nucléaire obscur. Mercredi, les troupes russes ont pris le contrôle du territoire autour de la plus grande centrale nucléaire d’Ukraine, Zaporizhzhia, a révélé l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Une situation inédite dans un pays aussi tourné vers l’atome que l’Ukraine.
« Jamais à cette échelle-là, un pays aussi nucléarisé n’avait connu un tel niveau d’intensité de conflits » remarque Teva Meyer, maître de conférences à l’université de Haute-Alsace et spécialiste de géopolitique du nucléaire. En temps de guerre, « l’optimum de sécurité n’est pas complet », et ce, pour plusieurs raisons.
« Pour fonctionner, une centrale nucléaire a besoin de son personnel (plus de 10 000 employés à Zaporizhzhia), en bon état physique et psychologique » détaille Michaël Mangeon, chercheur associé au laboratoire Environnement, ville et société du CNRS. Mardi, la Russie a indiqué à l’AIEA que le personnel de la centrale continuait de « s’employer à assurer la sûreté nucléaire et à surveiller le rayonnement en mode de fonctionnement normal ».
Autre crainte de l’AIEA : les dégâts collatéraux. Entre le 26 et le 27 février, des missiles ont touché deux installations de stockages de déchets radioactifs à Kyiv et Kharkiv. Pas de rejets radioactifs détectés, mais pour le directeur de l’AIEA, « ces deux incidents mettent en évidence le risque très réel que des installations contenant des matières radioactives subissent des dommages pendant le conflit, avec des conséquences potentiellement graves pour la santé humaine et l'environnement. »
Parmi les raisons qui ont poussé les troupes russes à s’approcher de la centrale de Zaporizhzhia, il y a l’approvisionnement en électricité (les six réacteurs fournissent un cinquième de l’électricité produite en Ukraine) et leur configuration stratégique. Les sites nucléaires constituent des « nœuds de voies de communication, avec des routes larges et des lignes ferroviaires, et s’il faut assurer de la logistique lourde pour le conflit, il y a besoin de ferroviaire », explique Teva Meyer.
L’Ukraine possède quatre centrales pour 15 réacteurs en fonctionnement. Les autres sites plus à l’ouest ne sont, pour le moment, pas sur des zones de combats, mais la situation évolue très rapidement. Tchernobyl, bien que tous ses réacteurs soient à l’arrêt depuis 2000 à la suite de la catastrophe nucléaire de 1986, est également sous étroite surveillance. Il fut le premier pris par les troupes russes le 24 février dernier et le personnel de la centrale n'a pas été remplacé depuis. L’AIEA a fait part de la demande d’assistance immédiate de la part de l’Ukraine pour coordonner les activités relatives à la sûreté de Tchernobyl et des autres installations nucléaires.
· Mercredi, trois ONG ont déposé un recours en justice contre TotalEnergies pour « pratiques commerciales trompeuses ». Greenpeace, Les Amis de la terre et Notre affaire à tous estiment que le groupe induit les consommateur·rices en erreur en affirmant dans ses campagnes de communication qu'il est « un acteur de la transition énergétique » et qu'il s'engage pour la « neutralité carbone » d'ici 2050. Il s'agit d'en « faire le procès du greenwashing », selon Clara Gonzales, juriste pour Greenpeace. - Le Monde (abonnés)
· Mercredi, la candidate LR à la présidentielle Valérie Pécresse a déclaré qu'elle mettrait fin au système de jachère imposé aux agriculteur·rices, qui vise à maintenir inutilisée pendant une certaine période une surface agricole pour qu'elle recouvre ses capacités de production. Elle a dénoncé la validation par Emmanuel Macron du programme européen « De la ferme à la fourchette », qui prévoit de tripler la surface des terres en jachère pour la faire passer à 10% d'ici 2030, estimant que cette « décroissance agricole [était] une pure folie ». - C à vous
· Seuls 6 % des montants investis par les pays du G20 pour faire face à la pandémie de Covid-19 ont servi à répondre aux enjeux climatiques, révèle une étude publiée mercredi dans la revue Nature. Sur les 14 000 milliards de dollars prévus par les plans de relance des 20 plus importantes économies du monde, seuls 860 milliards ont été alloués à des domaines permettant de réduire les émissions de gaz à effet de serre, comme le développement de renouvelables ou l'amélioration de l'efficacité énergétique des bâtiments. Pire, « près de 3 % des fonds de relance ont ciblé des activités susceptibles d'augmenter les émissions mondiales ». - The Guardian (anglais)
« Il y a encore assez de ressources sur la planète pour permettre un niveau de vie décent et une société équitable si nous faisons les changements nécessaires »
Dennis Meadows
Y disent qu'y voient pas les rapports. Il y a 50 ans jour pour jour paraissait Les limites à la croissance, un rapport scientifique qui fit l’effet d’une bombe. Cette étude du Massachusetts institute of technology (MIT), supervisée par le professeur Dennis Meadows, concluait que la poursuite de la croissance économique nous mènerait inévitablement à dépasser les limites planétaires, provoquant un effondrement de la population humaine. Alors qu’une nouvelle édition paraît aujourd’hui chez Rue de l’échiquier – quelques jours seulement après la sortie à bas-bruit du dernier rapport du Giec – Dennis Meadows s’exprime au sujet de l’actualité brûlante de son étude et confie son espoir pour le futur. Un entretien événement conduit par Audrey Boehly (voir plus bas) à lire sur vert.eco
L'ONU adopte le principe d'un traité contre la pollution plastique
Plastic killer. L’Assemblée des Nations unies pour l’environnement a adopté une résolution qui se promet d’élaborer un texte juridiquement contraignant pour mettre fin à la pollution plastique dans le monde.
« Aujourd'hui, nous écrivons l'Histoire. Vous pouvez être fiers », a applaudi, mercredi, Espen Barth Eide, ministre norvégien de l'Environnement et président de l'Assemblée des Nations unies pour l’environnement, réunie depuis lundi à Nairobi (Kenya). Devant les représentant·es de 175 pays, il a salué l'adoption d'une motion créant un « comité intergouvernemental de négociation », chargé d'écrire un texte juridiquement contraignant pour mettre fin à la pollution plastique dans le monde. Une sorte d'équivalent de l'Accord de Paris sur le climat.Parmi les nombreux sujets concernés par les négociations à venir, « le cycle de vie entier du plastique », de la production à la gestion des déchets. Le texte devra avoir un impact sur les pollutions terrestres, mais aussi marines. Des objectifs de réductions seront fixés au niveau mondial, avec des mesures « contraignantes » et d'autres « volontaires ». Le traité pourra établir des plans nationaux qui prendront en compte les spécificités de chaque pays. Le mandat prévoit aussi de contrôler la mise en œuvre des objectifs et de trouver des financements pour aider les pays pauvres à les atteindre. Le comité planchera sur ces sujets dès cette année, avec « l'ambition d'achever ses travaux pour la fin 2024 ». Le texte sera alors soumis à l'approbation des pays membres.
Les ONG de défense de l'environnement, réunies au sein du mouvement mondial « Break free from plastic », restent toutefois en alerte. « Le plus difficile est à venir », met en garde Diane Beaumenay-Joannet, responsable plaidoyer et campagne déchets aquatiques pour l’ONG Surfrider Europe (Libération). « Il est important que le futur traité comporte des objectifs contraignants […] En cas de non-respect de ces objectifs, il est aussi nécessaire de prévoir des sanctions économiques ».
Passée de deux millions de tonnes en 1950 à plus de 400 millions de tonnes par an aujourd’hui, la production de plastique doit encore doubler d'ici 2040, selon le Programme des Nations unies pour l'environnement. Aujourd'hui, moins de 10 % des déchets plastiques sont recyclés et 22 % sont abandonnés dans des décharges sauvages, brûlés à ciel ouvert ou rejetés dans l'environnement, selon les dernières données de l'OCDE.
Dernières limites, le rapport Meadows en héritage
50 ans après la sortie du rapport Meadows, que reste-t-il des « Limites à la croissance » ? A-t-on dépassé les limites planétaires ? Quelles sont les solutions pour bâtir un avenir où l’activité humaine n’épuiserait pas les ressources de notre seule planète ? Dans son enquête, Audrey Boehly, qui a conduit l'entretien avec Dennis Meadows paru aujourd'hui dans Vert, a interrogé une dream team d'expert·s et de scientifiques, dont la climatologue Valérie Masson-Delmotte, l'ingénieur Philippe Bihouix ou l'économiste Gaël Giraud. Abonnez-vous à son podcast sur la plateforme de votre choix pour ne rater aucun des épisodes à paraître.
+ Audrey Boehly, Loup Espargilière et Mathilde Picard ont contribué à ce numéro