Une PAC pas cap

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L’Europe multiplie les promesses mais elle accouche toujours d’usines à gaz 

La PAC déçoit

PAC pas cool. La consternation et la désapprobation règnent après l'adoption par le Parlement européen, vendredi, de son projet de politique agricole commune (PAC), jugé peu ambitieux pour le climat.

L'opposition a secoué jusque dans les rangs du Parlement. Fustigeant une « erreur historique », les Verts ont rejeté le texte, tout comme la Gauche unitaire européenne (GUE). Le groupe Socialistes & Démocrates (S&D), lui, s'est déchiré sur la question, raconte Libération. Au final, 38% des eurodéputé•e•s ont choisi de voter contre le texte ou de s’abstenir selon Greenpeace, mais sans renverser la coalition entre le groupe conservateur PPE, les libéraux de Renaissance et les S&D.

Le projet de réforme introduit quelques touches de vert (AFP), comme les éco-régimes – des primes accordées aux agriculteurs participant à des programmes environnementaux exigeants – auxquels les États devront consacrer au moins 30% des paiements directs. Les textes prévoient d'autre part une marge de manœuvre accrue pour les États-membres en les laissant décider d'une partie de la distribution des fonds, à condition de respecter les engagements environnementaux et climatiques de l'UE. Mais le texte ne permet pas d'atteindre ces objectifs et plusieurs amendements visant à garantir la cohérence de la PAC avec le pacte vert européen ont été rejetés.

Greta Thunberg reçue le 4 mars dernier par le président du Parlement européen, David Sossoli  ©  Parlement européen

Le projet du Parlement européen est très durement jugé par les défenseurs de l'environnement. Sur les réseaux sociaux, la militante suédoise Greta Thunberg a dénoncé un texte qui « alimente la destruction écologique » (AFP). « Cette PAC, dans sa forme actuelle, ne représente que les intérêts des plus gros producteurs industriels et des propriétaires terriens les plus riches. Si ce texte en reste là, nous devrons attendre sept années de plus avant d’enclencher la transition écologique et sociale indispensable à notre agriculture »a réagi Suzanne Dalle, chargée de campagne agriculture à Greenpeace France.

Sur la base de leurs propositions respectives, eurodéputé•e•s, États et Commission vont négocier et trancher d'ici début 2021 sur les règles qui s'appliqueront à partir de 2023. 

50 mesures de la convention citoyenne pour le Climat auraient déjà été mises en œuvre par le gouvernement selon le ministère de la Transition écologie qui a mis en ligne un tableau de suivi vendredi 23 octobre. Pourtant, à la même date sur le site des citoyens de la Convention citoyenne, seule une mesure est considérée comme « partiellement acceptée » tandis que quatorze sont « débattues », six « en danger », trois « rejetées » et 123 « pas encore étudiées » - Contexte

• Vendredi, le Conseil de l'Union européenne a adopté une nouvelle directive mettant à jour les paramètres d’évaluation de la qualité de l'eau potable définis il y a 22 ans, ouvrant la voie à une surveillance accrue. C’est le résultat de la première initiative citoyenne européenne, déposée par Right2Water en mars 2012 - Conseil de l'UE

Il y a six ans jour pour jour, le 26 octobre 2014, le militant écologiste Rémi Fraisse trouvait la mort sur la zone à défendre (ZAD) de Sivens (Tarn) après un tir de grenade offensive. Il militait pour la protection de la zone humide du Testet contre un projet de barrage. Ce dimanche, environ 150 personnes se sont réunies dans la forêt de Sivens pour lui rendre hommage - 20 Minutes

La traque du méthane a commencé

Y a de la loi dans le gaz ! Longtemps oublié des politiques de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre, le méthane (CH4) est désormais dans le viseur de la Commission européenne.

Deuxième contributeur au changement climatique après le dioxyde de carbone (CO2) selon le GIEC, le méthane serait aujourd'hui la cause de 20% du réchauffement anthropique de la planète avec trois secteurs responsables de 95% des émissions (l'agriculture à 56%, les déchets à 26% et l'énergie à 19%).

Mais son pouvoir de nuisance reste encore mal maîtrisé puisqu'on constate depuis plus d’une décennie, « une augmentation significative et inexpliquée de la concentration de méthane dans l’atmosphère», a expliqué le chercheur de l’Université de Columbia Jonathan Elkind à BloomergComme Vert l'avait rapporté, les émissions de méthane issues de l'industrie fossile auraient été sous-estimées de 25 à 40%.

Le 14 octobre dernier, la Commission européenne a officialisé sa « stratégie méthane » visant à réduire de 35 à 37 % ses émissions de CH4. Celles-ci représentent actuellement 5% du total mondial - les gaz émis par des sociétés européennes à l'étranger ne sont pas comptabilisés. Bruxelles prévoit d'améliorer le suivi et de créer un observatoire international des émissions de méthane en partenariat avec le Programme des Nations unies pour l'environnement et l'Agence internationale de l'énergie.

La Nasa, ainsi que plusieurs sociétés américaines, utilisent déjà les satellites pour identifier les zones émettrices de méthane © GHGSat

L'Europe compte sur son programme satellitaire Copernicus pour traquer les super-émetteurs, alors que l'industrie pétrolière et gazière est soupçonnée de longue date de sous-évaluer ses émissions. 

Les futures mesures coercitives sont encore floues. Bruxelles envisage d'interdire le torchage, c'est à dire le fait de brûler le gaz rejeté à différentes étapes de l'exploitation du pétrole et du gaz naturel. Elle prévoit également de réviser la directive européenne sur la mise en décharge de façon à favoriser la récupération des gaz qui s'en dégagent. Dans le secteur agricole, qui représente pourtant plus de la moitié des émissions européennes de méthane, les pistes sont peu ambitieuses : changer l'alimentation du bétail et promouvoir l'installation de méthaniseurs suffiront-ils à résoudre ce problème ?

Le traité sur l'interdiction des armes nucléaires entre en vigueur

Il était TIAN ! Trois ans après son adoption à l'ONU, le traité sur l'interdiction des armes nucléaires (TIAN) a été ratifié ce week-end par un cinquantième État - le Honduras, déclenchant son entrée en vigueur à partir de 2021

Ainsi, les armes nucléaires deviendront illégales au regard du droit international, « 75 années après leur première utilisation sur des populations civiles et après plus de 2 000 détonations dans le cadre d’expériences (dont 210 par la France) », comme le souligne dans un communiqué la campagne ICAN (International Campaign to Abolish Nuclear Weapons), lauréate en 2017 du Prix Nobel de la paix.

Selon elle, le traité va permettre d'engager le désarmement nucléaire des signataires mais aussi de prendre en compte l’environnement pollué par les essais nucléaires et d'assurer aux populations victimes de ces essais une assistance sanitaire.

De nombreux observateurs estiment toutefois que l'efficacité du texte sera réduite par le fait que les pays possédant officiellement l'arme nucléaire – les États-Unis, la Grande-Bretagne, la France, la Chine et la Russie – n'ont pas signé le texte, pas plus que ceux qui sont soupçonnés de la détenir ou de chercher à le faire. Le Japon, seul pays à avoir été ciblé par des bombes nucléaires, n'a pas non plus signé le traité (France Info). 

« L’histoire montre que la mise en place de l’interdiction de certaines catégories d’armes facilite les progrès vers leur élimination » en stigmatisant leurs détenteurs, a rappelé l'ONG Greenpeace. On recense quelque 16 000 ogives nucléaires dans le monde (dont 300 en France) et la tendance serait à la reprise de la course à l'armement sur fonds de tensions géopolitiques, selon France Culture. Rien qu'en France, le budget consacré à la dissuasion sera de 37 milliards entre 2018 et 2025, rapporte Libération

Les dessous de l'agriculture intensive européenne

Pour de nombreux observateurs, l'Europe a échoué à réformer sa politique agricole commune (PAC) pour aller vers des modes de production plus sobres et respectueux de l'environnement. Pour voir à quoi ressemble, concrètement, l'agriculture productiviste européenne, l'épisode de Dezoom - série diffusée sur Arte -  consacré à la région maraîchère espagnole d'Alméria est éloquent.

A découvrir aussi dans cette minisérie, les autres épisodes consacrés à l'exploitation du charbon à ciel ouvert en Allemagne, la prolifération des mines d'or illégales en Amazonie ou encore la montagne de déchets de New Delhi en Inde.

Dezoom © Arte