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Signal de départ

Chères toutes et chers tous,

🗳️ Les urnes ont parlé. À 58%, vous avez choisi que nous répondions à la question « La consigne pour les bouteilles en plastique est-elle une bonne idée ? » dans le Vert du faux de la semaine prochaine. Rendez-vous dans l'édition de jeudi pour la réponse. 


Après quarante ans d'insouciance à la plage, l'océan sonne la fin du barbotage.


L’érosion du littoral commence à faire des vagues

Basse côte. Ce vendredi, deux ministres lancent le chantier de destruction de l’immeuble de bord de mer le Signal, à Soulac-sur-Mer (Gironde), condamné par le recul du trait de côte lié à la montée de l’océan.

La disparition du Signal, construit à 200 mètres de la mer à la fin des années 60, résonne comme un avertissement. Sur la côte atlantique, la montée de l’océan, accélérée par le bouleversement du climat, ronge tout le littoral. Selon le Groupement d'intérêt public (GIP) littoral, 5 800 bâtiments de la région Nouvelle-Aquitaine sont menacés à l’horizon 2050. Au niveau national, près de 20% du trait de côte naturel est en recul.

L’édifice de quatre étages, qui accueille 78 appartements, a été évacué et vidé en 2014. Moins de dix ans plus tard, « l’eau vient désormais presque lécher le rez-de-chaussée », rapporte le journal Ouest-France. « On était les premiers réfugiés climatiques de France », témoigne un ancien occupant. Comme lui, des dizaines de propriétaires ont dû mener bataille pour obtenir une indemnisation en 2019. « La crainte du ministère était que cette exception ne devienne la règle, car on ne pourra pas indemniser chaque maison face à l’érosion côtière », précise au Monde l’ancienne préfète locale Fabienne Buccio.

Ménages, assurances, État… Qui paiera la douloureuse ?  À partir du 7 mars et pour un an, commence une concertation sur ce sujet entre élus, scientifiques, associations de l'environnement et services du ministère. Le gouvernement avance l’idée d’un fonds dédié, permettant d’avoir une visibilité jusqu’en 2050.

Le Signal un an après son évacuation, en 2015, à Soulac-sur-mer. ©Gadjo_Niglo / Wikimedia.

Ce vendredi, Christophe Béchu et Bérangère Couillard, respectivement ministre et secrétaire d’État à l’écologie, doivent assister au coup d’envoi des travaux de démolition. De quoi « rappeler la stratégie nationale d’adaptation face au recul du trait de côte » adoptée en 2012 qui repose sur une meilleure anticipation de l’érosion et l’accompagnement de démarches locales.

Officiellement, environ 30 kilomètres carrés de terres ont disparu en France au cours des 50 dernières années et au moins 50 000 logements devraient être concernés d’ici à 2100.  Dans son 6ème rapport d’évaluation publié en février 2022, le Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) rappelle que l’élévation des mers est un phénomène irréversible pendant des siècles. La réponse se trouve, d’après le rapport, dans l'atténuation du changement climatique (la réduction des émissions de gaz à effet de serre) et l'adaptation des côtes : plantation de végétation pour favoriser l’accumulation de sédiments, surveillance des marqueurs de l’érosion, modifications de l’utilisation des terres et planification de relocalisations des activités humaines.

· Samedi, deux associations de protection de la nature ont déposé une plainte contre l'État afin de restreindre l’usage des pesticides dans les zones Natura 2000, dédiées à la protection de la biodiversité. Alors qu’un décret censé encadrer cette pratique a été adopté en novembre dernier, « aucune garantie de réduction drastique » n’est apportée, estiment la Ligue de protection des oiseaux et la fédération d’associations France nature environnement. - Actu environnement

· Après avoir évalué la transition écologique de huit chaines de supermarchés pendant un an, le Réseau Action Climat (RAC) a publié un rapport salé : aucune enseigne n’y atteint la note de 10/20. Pour ce réseau d’une trentaine d’associations, les hypermarchés, où les Français·es réalisent 70% de leurs achats, promeuvent trop la viande, les produits laitiers et ceux issus de l'agriculture intensive, et pratiquent des marges trop importantes sur le bio qui le rendent inabordable pour beaucoup. - Reporterre

· Jeudi, le pétrolier britannique Shell a annoncé un bénéfice record de 42,3 milliards de dollars (38,8 milliards d’euros) pour 2022, soit le double de l’année précédente - des résultats exceptionnels liés à la crise énergétique et poussés par la guerre en Ukraine. 26 milliards ont été reversés aux actionnaires. La veille, l’américain ExxonMobil a révélé avoir dégagé un profit (record lui aussi) de 55,7 milliards de dollars (51,1 milliards d’euros) au cours de l’année.

« Viande cellulaire »

In vitro veritas. Le Sénat mène, jusqu’en mars, des auditions sur les enjeux de la « viande in vitro ». Conçue à partir de cellules animales, la viande de laboratoire a été réalisée pour la première fois en 2013 et fait l’objet d’investissements croissants. En vue d’un rapport qu’il devra remettre à l’issue de ces entretiens, le sénateur de la Haute-Saône, Olivier Rietmann (LR) considère dans La presse de Vesoul qu’« une réflexion s'impose donc urgemment sur son impact tant nutritionnel qu'en matière de sécurité sanitaire et de traçabilité, mais aussi sur ses conséquences environnementales ou sur le bien-être animal ». Auditionné mercredi, le syndicat de la Confédération paysanne a dénoncé « fermement cette dérive scientiste qui viendra un peu plus mettre à mal les éleveurs et éleveuses ».

Permis de nuire : l'enquête qui fissure le règne des pollueurs-payeurs

Pollueur d'espoir. Avec Permis de nuire, Flore Berlingen mène une enquête limpide et convaincante sur le principe hégémonique de « pollueur-payeur », et plaide pour son abandon.

Dans notre monde-équation, tout se compense : les tonnes de dioxyde de carbone (CO2), les déchets et le vivant - détruit d'un côté, restauré de l'autre. Le concept de « pollueur-payeur » a certes de quoi séduire : il promet de faire payer aux responsables les désastres environnementaux qu'ils provoquent. Pourtant, la militante Flore Berlingen, qui fut à la tête de l'association Zero Waste France pendant sept ans, y voit nombre de limites et de dangers qui fissurent le système - qu’ils soient des impensés ou bien des mensonges éhontés.

Avec méthode, force preuves et une connaissance intime des filières « REP », - responsabilité élargie du producteur -, l'autrice déconstruit pas à pas ce mécanisme de marchandisation du monde qui simplifie, met un prix sur les « services écosystémiques » et accorde un « permis de nuire » en échange de compensations censées être à la hauteur du préjudice subi. Elle met en cause ses deux piliers : « sur le plan économique, le projet d'internaliser les externalités, qui bute, entre autres, sur l'impossibilité de mettre en équations le vivant ; sur le plan juridique, l'idée d'une responsabilité environnementale accrue et élargie, qui pose le problème de son corollaire – un pouvoir de décision individuel plutôt que collectif ».

Une enquête frappante qui range définitivement le principe de pollueur-payeur du côté des fausses solutions environnementales parce qu'il « ralentit et affaiblit notre capacité de réaction, alors même qu'un sursaut de l'humanité, un changement de cap radical, est désormais indispensable », et qu'il faudrait d'abord commencer par ne pas nuire.

Permis de nuire, Flore Berlingen, Rue de l'échiquier, octobre 2022, 89p, 12€

Un·e influenceur·se peut-il être écolo ?

Dans le premier épisode de sa nouvelle émission Bad influence, le média vidéo Limit reçoit l’influenceuse et animatrice belge Silent Jill, pour parler de la compatibilité entre le fait de porter des discours écolos et les métiers de l’influence qui promeuvent la consommation et un mode de vie insoutenable pour la planète. Une conversation sans langue de bois, qui interroge l’avenir des créateur·rices de contenu en temps de crise écologique.

© Limit

+ Loup Espargilière, Alban Leduc, Justine Prados et Juliette Quef ont contribué à ce numéro.