La quotidienne

L’école du clim’

Un numéro où l'on verra que l'industrie pétrolière arrose les facs de ses billets verts.


La piètre ambition du nouvel objectif européen de baisse des émissions

Le climat bradé à -55%. L'accord européen obtenu mercredi, qui prévoit la baisse de 55% des émissions de CO2 d'ici 2030, n'est pas du tout à la hauteur de la crise climatique.

Comme pour masquer la faiblesse du résultat obtenu, la presse a abondamment mis en scène les quelque 14 heures de négociations « acharnées » entre eurodéputé·e·s et représentant·e·s des Etats membres de l'Union européenne (UE). Mercredi, à l'issue d'une nuit de tractations, elles et ils ont arrêté un objectif : réduire d'« au moins » 55% les émissions nettes de gaz à effet de serre d'ici 2030 à l'échelle de l'UE, par rapport à leur niveau de 1990. Le précédent objectif était de -40%.

Le contenu de cet accord, qui prévoit d'autres mesures (Commission européenne), sera inscrit dans la future loi climat européenne, actuellement en préparation. Des esprits chagrins n'ont pas tardé à pointer du doigt la faiblesse de ces dispositions.

Présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen a applaudi cet accord qui met, selon elle, l'UE « sur une voie verte pour une génération » © Parlement européen

Après un vote en octobre dernier, les eurodéputé·e·s s'étaient entendu·e·s pour relever l'objectif à -60%. C'est finalement celui, moins ambitieux, qu'avait choisi la Commission qui a été retenu.
Par ailleurs, pour atteindre cette marque, l'UE compte beaucoup sur la compensation par l'emploi de puits de carbone. La baisse « brute » des émissions ne serait que de 52,8%.

En outre, la trajectoire actuelle de l'Europe menait déjà à une baisse de 46% d'ici 2030. Enfin, l'accord de mercredi a échoué à lier les Etats membres autour de l'objectif de zéro émissions nettes d'ici 2050, à cause du refus de la Pologne, toujours très largement dépendante du charbon.

Comme l'a rappelé au Guardian Wendel Trio, le directeur du Réseau action climat européen, cet objectif de -55% ne permettra pas de respecter l'Accord de Paris qui prévoit de contenir le réchauffement planétaire à moins de 1,5°C. Selon l'écologiste, cette nouvelle marque a été « décidée à la va-vite par les législateurs européens pour ne pas arriver les mains vides au sommet des chefs d'Etats organisé par les Etats-Unis » qui s'ouvre ce jeudi.

Dans une lettre ouverte publiée mercredi, 101 lauréat·e·s du prix Nobel - dont le Dalai Lama - appellent les nations du monde à signer un « traité de non-prolifération fossile ». Les dirigeant·e·s sont prié·e·s de mettre fin à tout projet d'extension de leur production d'hydrocarbures, principaux responsables de l'élévation des quantités de CO2 dans l'atmosphère. - The Guardian (anglais)

• Mercredi, le ministre de l'agriculture Julien Denormandie a reconnu que l'objectif de 15% des surfaces agricoles françaises cultivées en bio d'ici 2022 ne sera pas atteint. « On sera à 12,5%, je pense » a-t-il déclaré sur BFMTV/RMC. Doté de 1,1 milliard d'euros, ce plan devait permettre de faire passer ce chiffre de 6,5% à 15% sur la durée du quinquennat d'Emmanuel Macron. - BFMTV

Axa vient de lancer sa « climate school », une formation « qui permet aux directions des ressources humaines et de la RSE de former tous les collaborateurs pour réussir la transformation durable (sic) de leur métier ». Car la crise climatique, « ce sont de nouveaux risques bien sûr mais aussi de nouvelles opportunités », annonce sans ciller le communiqué du géant de l'assurance. Hélas, comme le rappelait l'ONG Reclaim Finance en décembre 2020, si Axa se désengage progressivement du charbon, il reste l'un des principaux assureurs de projets liés au gaz ou au pétrole.

Les millions reçus par l’université d’Oxford des mains de l’industrie fossile

What the fac? Ces dernières années, l'université d'Oxford a reçu des millions de livres de l'industrie fossile et mène des travaux de recherche qui lui bénéficient

Eni, Shell, BP, Total... De 2015 à 2020, Oxford a perçu au moins 12 millions de livres (14 millions d'euros) de l'industrie pétrochimique, révèle un rapport de la Campagne pour la justice climatique d'Oxford (OCJC), association d’actuels et anciens étudiants de la prestigieuse université britannique. Leur rapport s'appuie sur cinq ans de données publiques ou déclassifiées agrégées par des étudiants et élèves diplômés de l'institution. 

En avril 2020, l’université avait promis de rompre les liens avec l'industrie fossile (BBC). En janvier 2021, elle a pourtant accepté 116 millions d'euros du raffineur Ineos pour développer l'« Institut Ineos d'étude de résistance microbienne », affirme le document.

Le Queen's college de l'université d'Oxford © Kaofenlio

L'argent du pétrole abonde les bourses étudiantes et finance des chaires telles que la « Shell Professor of Earth Sciences ». Responsable de la destruction d'un site aborigène australien de 46 000 ans (France Info), le groupe minier Rio Tinto, a financé des bourses de recherche sur la culture de ce même peuple.

Ces financements sont incompatibles avec les principes de l'université, qui prévoient de refuser des financements contraires à l'éthique. L'industrie pétrolière « contribue indirectement aux souffrances et décès entraînés par le changement climatique : insécurité alimentaire, événements climatiques extrêmes, pandémies », argumente le rapport.

Les auteur·e·s exigent que les entreprises fossiles soient traitées comme celles du tabac : refus de tout soutien financier, arrêt de la promotion de leurs offres d’emploi et abandon des programmes de recherche bénéficiant aux hydrocarbures.

Un réseau de collectifs pour accélérer la transition écologique dans les grandes entreprises

La jouer collectif. Ce jeudi, 20 groupes de salarié·e·s de différentes firmes lancent « Les collectifs », une association qui vise à favoriser la transition écologique dans les grandes entreprises.

Elles et ils travaillent à Suez, la Société générale ou Vinci, des sociétés peu réputées pour leur bilan carbone. Et pourtant tou·te·s partagent la même ambition : changer leur entreprise de l'intérieur pour lui faire prendre enfin le virage de la transition écologique. Il y a un an, chacun des groupes évoluait dans son coin avec des niveaux de maturité et de structuration hétérogènes, jusqu'à ce que le collectif Pour un réveil écologique ne vienne les chercher.

En 2018, ce dernier a publié un manifeste du même nom, signé par quelque 30 000 étudiant·e·s. Elles et ils y clamaient leur volonté d'occuper un emploi avec une utilité écologique et sociale réelle. Depuis, Pour un réveil écologique s'est attelé à recenser les différents collectifs qui ferraillent pour la transition au sein des entreprises et à les faire coopérer.

Le 15 avril, la vingtaine de groupes a publié une première tribune commune dans les Echos pour demander à leur employeur de faire des défis écologiques et sociaux leur priorité. Avec la création, jeudi, des Collectifs, leur objectif est triple : essaimer dans les entreprises, identifier les besoins de formation par secteur, synthétiser et partager les bonnes pratiques. L'association revendique une base de 150 actions déjà réalisées. Parmi celles-ci, des conférences de sensibilisation ou l'écriture de propositions pour encourager la sobriété énergétique ou numérique de leur société.

Les missions que se donnent Les collectifs rejoignent parfois les prérogatives des Comités Sociaux et Economiques (CSE). Les CSE de grandes entreprises peuvent par exemple créer des commissions thématiques sur l'écologie. Porte-parole des Collectifs interrogé par Vert, Quentin Bordet assure que représentant·e·s du personnel et syndicats seront des alliés incontournables, dont les modes d'action sont complémentaires de ceux des collectifs.

Une cartographie des différents groupes et un guide pour créer son propre collectif sont à retrouver sur le site de Pour un réveil écologique.

L'emprise de Total sur les grandes écoles

La révolte sourd sur le campus de l'école Polytechnique de Paris depuis que le géant Total a décidé d'y implanter un immeuble dédié à la recherche et développement (Novethic). Comme le raconte Greenpeace dans ce court documentaire, le pétrolier multiplie les stratégies d'approche pour s'inviter dans les grandes écoles et y imprimer sa vision du monde.

©  Greenpeace

+ Juliette Quef et Tristan Saramon ont contribué à ce numéro