La quotidienne

Le sort noir du pétrole

Parviendrons-nous à lever la malédiction fossile qui nous a été jetée il y a 150 ans ?


Les premiers actes de Joe Biden en faveur du climat

Gare à la crampe. Le nouveau président étasunien Joe Biden signe des décrets à tour de bras pour tourner rapidement la page des années Trump

A chaque jour son sujet. Mercredi, c'était celui du climat et de l'écologie. Le nouveau locataire de la maison blanche a signé une flopée d'« executive orders » afin de changer les règles de plusieurs secteurs économiques et poser des jalons pour les années à venir. 

Joe Biden a notamment promulgué un décret qui met sur pause la délivrance de nouveaux permis de forages gaziers et pétroliers sur les terres et eaux fédérales. Il s'est toutefois gardé d'interdire toute exploitation future des sols américains, l'une de ses promesses de campagne. Les diverses agences fédérales ont également été chargées de penser la fin des subventions aux énergies fossiles. 

Joe Biden lors de la campagne présidentielle © Gage Skidmore

Un décret prévoit la création d'un « corps civil climatique » (Civilian Climate Corps) qui sera chargé de planter des arbres, protéger la biodiversité et restaurer les terres publiques. Biden s'est également engagé à protéger au moins 30% des espaces terrestres et marins d'ici 2030. 

L'un des décrets fait de la crise climatique un « élément essentiel » de la sécurité nationale. Comme les autres signataires de l'Accord de Paris - que viennent de réintégrer les Etats-Unis - le pays devra soumettre ses « contributions déterminées au niveau national » (CDN) : il s'agit des efforts auxquels est prête à consentir la nation pour contenir le réchauffement en-dessous de 2°C. Biden a également annoncé un « sommet des leaders du climat » le 22 avril prochain. 

Enfin, l'un des décrets prévoit d'équiper toute l'administration de véhicules électriques pour stimuler la croissance de ce secteur. Le programme « vert » de Biden n'est pas désintéressé ; il espère que la transition écologique permettra de créer des millions d'emplois dans les voitures électriques, l'énergie solaire et éolienne, ou le rebouchage de puits de gaz et de pétrole. Plus d'informations dans Grist (anglais). 

• Dans un avis publié mercredi, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) juge que le projet de loi climat du gouvernement n'est pas à la hauteur de la lutte contre la crise climatique« Les nombreuses mesures […] sont en général pertinentes mais souvent limitées, souvent différées, souvent soumises à des conditions telles qu’on doute de les voir mises en œuvre à terme rapproché », note le CESE. Censé traduire les propositions de la Convention citoyenne pour le climat, le projet de loi doit être présenté le mois prochain en conseil des ministres. - Le Monde (AFP)

• Des députés LR et LREM ont proposé de durcir la répression des militant•e•s écologistes dans un rapport parlementaire présenté mardi en commission des lois. Ils veulent créer un délit d’entrave à la chasse, passible de six mois de prison et de 5.000 euros d’amende, mais aussi punir d’un an d'emprisonnement et de 7.500 euros d’amende l’intrusion sur un site industriel, artisanal, agricole ou de loisirs, qui aurait pour but de « troubler la tranquillité ou le déroulement normal de l’activité ». Les associations opposées à la chasse ou à l'élevage industriel sont directement visées par ce texte. - Reporterre

La malédiction du pétrole

Sort noir. Raconter la folle histoire de l'or noir en une centaine de pages dessinées : c'est le défi auquel se sont attelés Jean-Pierre Pécau et Fred Blanchard, auteurs de La malédiction du pétrole.

Un seul litre équivaut à une journée de travail de cent hommes. Il décuple le progrès et libère les humains de tâches éreintantes : oui, le pétrole est un miracle. Surtout pour un certain Rockefeller qui, dans les années 1870, se lance dans le raffinage et l'optimisation de la production jusqu'à racheter tous ses concurrents. En 1911, sa Standard Oil Company détient 93% de la production mondiale.

Passionnant et glaçant à la fois, cet ouvrage dessine la naissance et le triomphe des sept plus grandes compagnies pétrolières qui vont présider au destin du vingtième siècle. Héritières de l'empire Rockefeller, les sept sœurs ont régné sur une croissance infinie et à n'importe quel prix. 

Si l'esthétique en noir et blanc et les dessins figés peuvent rebuter, ils nous plongent plus profondément encore dans les cruels desseins d'une poignée de milliardaires qui n'ont à cœur que la préservation de leur manne. Le sang peut couler et les corps gésir, tant que les gisements abondent et que le pétrole ne peut tarir... Tout est permis : la déstabilisation du Moyen-Orient ou du Vénézuela, des crises économiques, des catastrophes écologiques. Pour sauvegarder leurs intérêts, les compagnies fossiles frappent toujours plus fort.

Un récit illustré tout droit sorti des ténèbres mais qui fait la prouesse de ne jamais tomber dans le cynisme. La malédiction n'est déjà que trop vraie.

La malédiction du pétrole, Jean-Pierre Pécau, Fred Blanchard, 2020, Delcourt, 112 p., 17,50€.

Une chronique signée Juliette Quef

Le vendredi, chez Vert, c'est le jour du Do it yourself (faites-le vous-même) ! Cette semaine, voici une recette de crème à récurer, facile à faire et bon marché !

Vous pouvez cliquer sur l'image pour l'afficher en plein écran et l'enregistrer d'un coup de clic droit © Vert

Le beau mais timide « héritage » de Yann Arthus-Bertrand

Onze ans après HomeYann Arthus-Bertrand revient avec Legacy, son dernier film, diffusé cette semaine sur M6

Sublimes images aériennes qui ont fait la renommée du photographe de La Terre vue du ciel, dates et chiffres marquants, ordres de grandeur bien expliqués ; ce documentaire constitue un bon état des lieux pour le (très) grand public des deux catastrophes que sont le bouleversement du climat et le déclin massif du vivant. 

© M6

Hélas, si Legacy porte un regard très lucide sur l'état du monde, il l'est beaucoup moins sur les solutions. Narrateur de son film, Yann Arthus-Bertrand n'a de cesse de tourner autour du pot. Il explique que toute notre consommation est dépendante du pétrole et qu’il faudra réduire drastiquement l’usage des énergies fossiles, mais il se refuse à dire que c'est bien la consommation elle-même qu’il faudra limiter. En se bornant à indiquer que nous devrons « décarboner » nos vies, sans dire ce que cela implique, il laisse les spectateur•rice•s perplexes quant aux responsabilités à plus grande échelle et aux actions à mener au niveau collectif. Laissant croire, une fois de plus, que l'écologie n'est pas une affaire politique. 

« Legacy, notre héritage » Yann Arthus-Bertrand (2021), à revoir sur le replay de M6