L'estivale

Le fond de l’air effraie

Chères toutes et chers tous,

🕶️ En juillet et en août, les éditions quotidiennes et hebdomadaires ne font plus qu'une : l'estivale vous est envoyée chaque mercredi à midi !


Pendant que l'Europe tire des plans sur le climat, le reste du monde sombre dans un chaud effroi.


La Commission européenne présente sa nouvelle stratégie contre les émissions de gaz à effet de serre

L'exécutif européen dévoilera à la mi-journée une colossale feuille de route destinée à renforcer sensiblement l'action climatique sur tout le continent.

En avril dernier, l'ensemble des pays membres de l'Union européenne s’est mis d’accord pour baisser les émissions de gaz à effet de serre de 55% d'ici à 2030 (par rapport à 1990), contre 40% fixés initialement (Vert). Dans son nouveau plan de bataille baptisé « Fit for 55 », la Commission européenne prévoit douze projets de loi et des réformes dans presque tous les secteurs : industrie, transports, énergie, bâtiment, forêts et sols, etc. 

Les objectifs climatiques fixés aux États membres devraient être réhaussés. La Commission devrait ainsi relever à 38% ou 40% la part d'énergies renouvelables visée en 2030, contre un objectif actuel de 32%. La consommation d'énergie devra décroître d'au moins 36 ou 37%, contre 32,5% actuellement. Bruxelles prévoit également de fixer une date à partir de laquelle les voitures ne devront plus émettre de CO2, aux alentours de 2035 ou 2040. Enfin, elle a promis une taxation progressive du kérosène pour les vols aériens à l'intérieur de l'UE.

La présidente de la Commission européenne, Ursula Von der Leyen, détaillera ce mercredi la feuille de route "Fit for 55" © European Parliament

Mais le point le plus important de la stratégie est la réforme et l'élargissement du marché européen du carbone. Ce dispositif concerne actuellement 12 000 installations industrielles, représentant 40% des émissions de l'Union européenne. Après avoir reçu des quotas d'émissions gratuits (droits à polluer), les entreprises peuvent se les échanger, ce qui permet aux plus vertueuses de gagner de l'argent en revendant leurs excédents, tandis que les mauvais élèves doivent payer pour compenser leurs dépassements.

Bruxelles propose de cesser l’attribution de quotas gratuits et de les rendre payants à compter de 2036. Elle souhaite également y soumettre certaines importations (acier, ciment, électricité...) pour lutter contre les tentatives de dumping environnemental. Elle veut enfin y assujettir les entreprises du transport maritime, du secteur routier et du chauffage du bâtiment. L’ajout de ces deux dernières catégories suscite toutefois un tollé généralisé car les fournisseurs de carburants ou de fioul domestique répercuteraient les surcoûts sur la facture des ménages.

Les pays membres ont jusqu'à la fin de l'année pour se prononcer sur cet immense paquet législatif. Viendra ensuite la négociation avec le Parlement européen.

• Dans la nuit de lundi à mardi, député·e·s et sénateur·rice·s se sont accordé·e·s sur une version commune du projet de loi climat et résilience, ouvrant la voie à son adoption définitive cet été. Elles et ils ont passé en revue quelque 350 articles inspirés des propositions de la Convention citoyenne pour le climat. Parmi les mesures structurantes : l'extension des zones à faibles émissions aux agglomérations de plus de 150 000 habitants d'ici 2025, la suppression de certaines lignes aériennes intérieures en cas d'alternatives de moins de 2h30 en train et des incitations à la rénovation énergétique des logements. Les ONG sont très insatisfaites du manque global d'ambition du texte. - Contexte

• Lundi, le rapporteur public a recommandé au Conseil d’État de condamner l’État à 10 millions d'euros d'amende en raison de son incapacité à faire baisser la pollution de l’air sur l’ensemble du territoire. La plus haute juridiction administrative avait été saisie en 2017 par les Amis de la Terre (rejointe depuis par 77 autres requérants). Elle rendra sa décision d'ici une quinzaine de jours mais il est de coutume qu'elle suive les conclusions du rapporteur public. Il s'agirait alors du montant le plus élevé qui ait jamais été imposé pour contraindre l’État à exécuter une décision prise par le juge administratif. - Le Monde

 Jeudi, l'Union européenne a infligé à BMW et Volkswagen une amende de 875 millions d'euros pour entente illégale sur les systèmes de dépollution. Les deux constructeurs automobiles se sont concertés pendant plus de cinq ans pour ne pas dépolluer plus que la réglementation l’exigeait, alors même qu'ils maîtrisaient la technologie. Ils ont en particulier freiné l'élimination des émissions nocives d’oxyde d’azote (Nox) échappant des moteurs diesel, qui tuent plus de 100 000 personnes chaque année. En choisissant de révéler l’affaire, un troisième constructeur, Daimler, a bénéficié d’une immunité totale, évitant ainsi une amende d’environ 727 millions d’euros. - Le Monde

• Jeudi encore, la direction d'EDF a annoncé l'abandon de son projet Ecocombust, qui prévoyait de convertir la centrale à charbon de Cordemais (Loire-Atlantique) à la biomasse. Selon l’énergéticien, les conditions économiques permettant de remplacer le charbon par des déchets de bois ne sont pas réunies. Bien que la France ait fait le choix de sortir du charbon à horizon 2022, la centrale devra continuer de fonctionner (avec du charbon) jusqu'en 2026 pour conserver le niveau de sécurité d'approvisionnement de la région. - Actu Environnement

© Compte Twitter du météorologue Scott Duncan

C'est (le plus) chaud. Vendredi 9 juillet, le mercure a atteint 54,4°C (soit 130° Fahrenheit) dans la Furnace creek de la Vallée de la mort (Californie). Si cette marque est validée par l'Organisation météorologique mondiale (OMM), il s'agirait de la plus haute température jamais mesurée de manière fiable sur Terre. Ce record viendrait effacer le précédent (129,9°F), qui ne date que du 16 août 2020. Le record officiel date de 1913 : on avait alors relevé 56,7°C dans la même Furnace creek. Mais ce chiffre est contesté par de nombreux météorologues qui doutent de la fiabilité des mesures de l'époque. - Yale climate connections (anglais)

• Dômage collatéral. Cette semaine, de nouvelles régions du monde ont été gagnées par de suffocants dômes de chaleur. Ces masses de chaleur stagnantes, dont la multiplication est liée au dérèglement climatique, ont déjà fait grimper le mercure jusqu'à 50°C dans l'Ouest canadien début juillet. Ces derniers jours, ce sont l'Espagne, le Portugal et le Maroc qui sont touchés ainsi que l'ouest des États-Unis avec des températures pouvant aller jusqu'à 55°C dans la Vallée de la mort et 47°C à Las Vegas. - Novethic

• Un peu, biocoup... Les exploitations agricoles converties au bio représentent désormais 12% des fermes françaises et 9,5% des surfaces agricoles cultivées. Leur nombre a progressé de 13% en 2020, pour atteindre plus de 53 000 exploitations, selon les chiffres publiés vendredi par l’Agence bio. Parallèlement, la consommation de produits bio a continué son ascension : +10,4% en 2020 et un doublement en cinq ans. Comme Vert l'avait raconté, les acteurs du secteur craignent toutefois que la déclinaison française de la politique agricole commune (PAC) pour 2021-2027 ne décourage cette dynamique. - Le Monde

• Auto-tamponneurs - Les automobilistes ne paient pas le coût réel de leurs nuisances, révèle une étude de la direction générale du trésor publiée au printemps. Bien trop faibles, les prélèvements ne couvraient en 2015 que 36 % des externalités négatives de la circulation (usure de la route, embouteillages, accidents, pollutions sonore et atmosphérique). Les deux tiers de ces montants sont donc financés par la collectivité. Le bilan le plus catastrophique est en ville : la pollution atmosphérique et les embouteillages y sont des problèmes criants, mais le taux de couverture de ces nuisances par les automobilistes eux-mêmes n'atteint que 8%. - Reporterre

Un tiers de l'humanité

Une personne sur trois dans le monde est désormais en situation d'insécurité alimentaire, s'alarme l'ONU dans son rapport annuel sur le sujet, paru le 12 juillet. Cette situation, qui désigne le fait de ne pouvoir accéder de façon régulière à une alimentation adéquate (réduction des portions, repas sautés, etc), a augmenté de 15% en 2020. Cette hausse est le résultat d'un cocktail délétère conjuguant les trois C de conflits, covid et crise climatique. Pour la première fois, l’insécurité alimentaire a aussi augmenté en Europe, atteignant désormais 9,3% de la population. L'ONU estime en outre que 9,9% de la population mondiale souffre de faim chronique (contre 8,4% un an plus tôt), ce chiffre atteint même 21% en Afrique.

• Paquebots à voir. Les paquebots de croisière les plus massifs seront bannis de la lagune de Venise à partir du 1er août. Les bateaux de plus de 25 000 tonnes, de 180 mètres de long, de 35 mètres de tirant d'air, ou dont les émissions contiennent plus de 0,1% de soufre ne seront plus autorisés à entrer dans le bassin de Saint-Marc, le canal de Saint-Marc et le canal de la Giudecca. Il y a quelque semaines, le retour de ces immeubles marins au bord de la cité des Doges avait suscité l'indignation. En plus de participer au tourisme de masse en déversant leurs milliers de passagers dans la ville, ces paquebots ont un coût écologique faramineux. Leurs émissions de soufre et d'autres polluants vicient l'air vénitien, et les vagues qu'ils produisent endommagent les fragiles écosystèmes de la lagune de Venise. - Le Figaro (AFP)

• Garde la pêche ! Les vacances sur le littoral peuvent être l’occasion de consommer des poissons capturés localement. L'association Pleine mer propose une carte en ligne des artisans qui travaillent en circuit court. Quelque 500 artisans-pêcheurs y sont recensés de la mer du Nord à la Méditerranée. Alors que 80% des produits de la mer consommés en France sont importés, cette initiative soutient la consommation de produits plus responsables mais aussi plus rentables pour les pêcheurs. - France Info

• Ah ! la petite semaine. En Islande, l'expérimentation de la semaine de quatre jours est un « large succès », selon un bilan des années 2015 à 2019 publié le 4 juillet dernier. Les salarié·e·s indiquent utiliser ce temps libre pour « faire des courses, participer aux tâches ménagères, faire de l’exercice et passer du bon temps avec leur famille et leurs amis », le tout se traduisant par « une baisse du stress et un plus grand bien-être en société ». Il y a quelques semaines, Vert vous révélait le contenu d'une étude britannique indiquant que la baisse du temps de travail permet également de réduire drastiquement notre empreinte carbone. - Courrier International

• Moteurs et sens. Mardi 6 juillet, le conseil municipal de la Ville de Paris a adopté le stationnement payant pour les deux-roues motorisés thermiques à partir de 2022. Le tarif sera de 50% inférieur à celui fixé pour les voitures, lequel augmente dès le 1er août prochain de 50 à 67 % selon les arrondissements. Parallèlement, au moins 60 000 places de stationnement seront supprimées en surface d'ici à 2026. La mairie espère récupérer entre 20 et 25 millions d'euros de recettes supplémentaires, qui permettront de soutenir d'autres usages, d'élargir les trottoirs et de végétaliser la ville. - France Info

 

Dérèglement climatique : pourquoi c'est chaud

Mercure au top. Canicules en série, sécheresses et inondations : le climat joue de plus en plus avec nos nerfs et ce n'est pas fini. Ces événements spectaculaires et ponctuels cachent aussi une autre réalité : le cycle de l'eau déraille un peu partout dans le monde avec des menaces importantes pour les humains et l'ensemble de la biodiversité. En association avec le youtubeur Rodolphe Meyer, le Monde nous explique en détails les mécanismes à l’œuvre dans ce brillant - et court - exposé.

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