La quotidienne

Le climat reste à la rue

Pendant que les citoyens s'acharnent à battre le pavé, les politiques continuent à faire comme si rien ne pressait.


Le référendum sur le climat, victime des stratégies politiciennes

C'est mal parti. L'introduction du climat dans la Constitution nécessite que l'Assemblée nationale - majoritairement macroniste - s'accorde avec le Sénat, dominé par la droite.

C'est le genre de coïncidence dont on aimerait se passer. Ce dimanche, alors que 115 000 personnes s'élançaient dans les rues de 160 villes pour demander le respect des préconisations de la Convention citoyenne sur le climat, le Journal du dimanche annonçait l’enterrement du référendum promis par Emmanuel Macron à ses 150 membres. Le sujet a rapidement enflammé la toile, obligeant le président à démentir : « Ce texte va vivre sa vie parlementaire qui seule permet d’aller au référendum si les sénateurs et les députés s’accordent », a-t-il précisé.

Lors de la marche pour le climat de dimanche, le cortège parisien a rassemblé 56 000 personnes, selon les organisateur·rice·s © Wandrille Jumeaux / Twitter

Or, c'est précisément là que le bât blesse. Car les deux chambres, dominées par des partis adverses, ont peu de chance de s'entendre. Le 16 mars dernier, les députés ont adopté le texte gouvernemental inscrivant dans la Constitution que la France « garantit la préservation de l'environnement et de la diversité biologique et lutte contre le dérèglement climatique ». Or le Sénat, qui examine le texte à partir d'aujourd'hui en séance publique, préfère que la France « préserve » plutôt que garantisse et ce, « dans les conditions prévues par la Charte de l’environnement de 2004 ». Les sénateur·rice·s Les Républicains jugent que la formulation de l'exécutif constituerait une « quasi obligation de résultat », selon les termes du Conseil d’État, ouvrant la voie à de nombreux contentieux.

À un an de l'élection présidentielle, personne n'est dupe de ces oppositions linguistiques. « Cela faisait des mois que je prévenais que le référendum n'aurait pas lieu, que le gouvernement manœuvrait pour que le processus n’aille pas au bout, refusant toutes concertations avec le Sénat, pourtant nécessaires pour converger », a expliqué le député écologiste Matthieu Orphelin. De fait, la majorité peut aujourd’hui accuser le Sénat de faire barrage à sa réforme. Et la droite sénatoriale se trouve devant un dilemme délicat : offrir un succès à Emmanuel Macron ou bien s'opposer à une consultation des Français·es sur une thématique qui a le vent en poupe (AFP). Le climat dans tout ça, reste… à la rue.

• Vendredi, la ministre de la Transition écologique a annoncé la mise en place d'un Toxi-Score sur les produits ménagers à partir de 2022. Proposé dans le cadre du quatrième plan national Santé-Environnement, cet indicateur est censé donner le degré de nocivité d'un produit ménager. Il s'inspirera du Nutri-Score, qui classe les produits alimentaires de A à E et du vert au rouge, en fonction de leur valeur nutritionnelle. - France Info

Lundi, le tribunal de grande instance d'Evry (Essonne) a jugé irrecevable la plainte de Tran To Nga contre quatorze géants de l'agrochimie impliqués dans la fabrication et la commercialisation de l'agent orange pendant la guerre du Vietnam (Vert). Cette franco-vietnamienne de 79 ans se bat pour faire reconnaître la responsabilité des États-Unis, mais aussi des entreprises, dans l'utilisation de ce puissant défoliant pour détruire la végétation et démasquer les combattants. Or le tribunal a donné raison aux quatorze sociétés, estimant qu'elles étaient « bien fondées à se prévaloir de l’immunité de juridiction », c'est-à-dire que le tribunal français n'est pas compétent pour juger l'action d'entreprises étrangères dans le cadre d'une « politique de défense » en temps de guerre. - Le Figaro (AFP)

Le changement climatique pourrait avoir de sévères impacts sur la production de thé, selon une étude de Christian Aid. Le Kenya, plus gros exportateur de thé noir au monde, pourrait voir sa surface de production réduite de plus d'un quart d'ici 2050. Avant cela, les modifications climatiques impacteront sa saveur tout en réduisant potentiellement ses bénéfices pour la santé. - The Guardian (en anglais)
 

La transition énergétique fait exploser les besoins en minerais

Mine de rien. Les États ont intérêt à se préoccuper rapidement de leurs approvisionnements en minerais s'ils veulent sécuriser le déploiement des nouvelles énergies et mobilités, prévient l'Agence internationale de l'énergie (AIE).

Si l'on en croit son rapport, paru le 5 mai, le monde ne se défera pas des énergies fossiles sans tomber dans une autre forme d'addiction. Les véhicules électriques et les énergies renouvelables nécessitent en effet beaucoup plus de minerais que leurs équivalents carbonés : une voiture électrique en demande six fois plus qu'un véhicule thermique ; un site éolien terrestre, neuf fois plus qu'une centrale à gaz de taille équivalente, pointe l'Agence.

Les ressources diffèrent en fonction des technologies : lithium, nickel, cobalt, manganèse et graphite offrent longévité et efficacité aux batteries, tandis que les aimants de certaines turbines éoliennes nécessitent des terres rares telles que le néodyme. Enfin, l'extension des réseaux électriques exige d'importantes quantités de cuivre.

Utilisation de minerais selon les technologies (en kilogramme par megawatt). Dans l'ordre: l'éolien offshore, l'éolien terrestre, le photovoltaïque, le nucléaire, le charbon et le gaz. Cliquez sur l'image pour l'agrandir © AIE

Pour la plupart de ces minerais, l'extraction et le raffinage sont concentrés sur quelques pays. En 2019, la République démocratique du Congo a produit 70 % du cobalt mondial, et la Chine 60 % des terres rares. Cette concentration géographique est une source de vulnérabilité pour les pays demandeurs. Parmi les autres incertitudes : le temps de développement de nouveaux gisements, et les enjeux environnementaux et sociaux qui y sont associés.

Au rythme actuel de déploiement, la demande énergétique en minerais doublera dès 2040, pour atteindre 15 millions de tonnes par an. Et selon que le monde se conforme aux engagements de l'Accord de Paris ou vise la neutralité carbone pour 2050, les besoins pourraient être multipliés par quatre ou six, soit entre 30 et 45 millions de tonnes par an. 

Pour l'AIE, la qualité des politiques mises en œuvre sur ce sujet déterminera si l'approvisionnement en minerais permettra une transition vers des énergies propres ou si, au contraire, elle créera un goulot d'étranglement.

Écolos et syndicalistes s'unissent pour l'emploi et le climat

Idée d'associations. Rassemblés sous la bannière de Plus jamais ça !, Greenpeace, Oxfam, la CGT ou encore Solidaires signent un programme commun pour une transition écologique créatrice d'emplois.

« Pas d'emplois sur une planète morte ! » C'est derrière cette banderole que les meilleurs ennemis du collectif Plus Jamais ça ! se sont retrouvés, dimanche, lors de la marche parisienne pour le climat. Depuis leur première tribune collective en mars 2020, qui appelait à « reconstruire ensemble un futur, écologique, féministe et social », quinze organisations de tous bords s'attachent à dépasser leurs clivages pour constituer un large front écologique et social.

Paru le 6 mai, leur dernier rapport est un véritable programme politique qui promet de préserver à la fois la planète, l'emploi et les droits sociaux. Battant en brèche les idées reçues selon lesquelles la transition écologique supprimerait des emplois, la mondialisation serait inéluctable ou encore, qu'il n'y aurait pas d'emplois sans croissance économique.

Dimanche, Oxfam, Greenpeace, la CGT, Attac ou encore, Solidaires étaient rassemblés sous la bannière de Plus jamais ça dans le cortège parisien de la manifestation pour le climat. © Oxfam

25 propositions sont déclinées, qui ont en commun de mettre d'accord la gauche « merguez » - celle des syndicats historiques (CGT ou Solidaires) - et la gauche « quinoa », issue des mouvements écologistes. Parmi celles-ci : la lutte contre la dérégulation du commerce international et les traités de libre-échange, la suppression des niches fiscales inutiles ou encore des contreparties écologiques et sociales aux aides d’État versées aux entreprises.

Plutôt que de les éluder, les signataires ont également évoqué leurs sujets de désaccords : nucléaire, taxe carbone, décroissance… « Nous avons laissé certains débats ouverts, pour les approfondir par la confrontation et l’expérimentation sur le terrain, par la délibération démocratique », expliquent les signataires du rapport.

La vie en Rouge

Arty chaud. Le physicien finlandais Antti Lipponen s'est fait connaître grâce à ses nombreux graphiques animés permettant de visualiser en une trentaine de secondes l'ampleur des changements climatiques (températures, fonte des glaciers, etc). Plusieurs vidéos permettent également de visualiser l'origine et l'ampleur des émissions de gaz à effet de serre selon les années et les pays. Malgré des effets visuels remarquables, les animations d'Antti Lipponen manquent cruellement de suspense puisque les couleurs virent immanquablement au rouge de plus en plus sombre. Les mises à jour régulières permettent d'atteindre de nouvelles gradations, toujours plus foncées. L'ensemble de ces animations (en anglais) sont à mirer sur Flickr.

L'élévation des températures, par pays et par année, depuis 1880. La hauteur des bâtonnets indique l'écart à la moyenne de la période, entre -2°C et +2°C. © Antti Lipponen