L'estivale

Y disent qu’y voient pas les rapports

Chères toutes et chers tous,

🕶️ En juillet et en août, les éditions quotidiennes et hebdomadaires ne font plus qu'une : l'estivale vous est envoyée chaque mercredi à midi !


Le monde s'embrase comme les scientifiques du Giec l'avaient prédit, mais les dirigeants continuent de ne pas faire le rapprochement entre le climat qui se dérègle et leurs errements.


A l'aube de son sixième rapport, à quoi sert le Giec ?    

Science dure à cuire. Le premier volet du sixième rapport du Groupe d'expert·es intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) est attendu lundi prochain. Vert vous explique en détail les missions et le fonctionnement de cette structure unique

Créée en 1988 par l'Organisation météorologique mondiale et le Programme des Nations unies pour l'environnement, cette instance est composée de scientifiques mandaté·e·s par les gouvernements des 195 pays membres de l’ONU. Ces expert·e·s (climatologues, économistes, démographes, etc.) réalisent bénévolement le travail de synthèse, d'examen et d'évaluation des données scientifiques, techniques et socio-économiques les plus récentes. En plus des copieux rapports d’évaluation, qui paraissent tous les six ou sept ans depuis 1990, les scientifiques produisent aussi des rapports thématiques spéciaux, comme celui consacré aux océans et à la cryosphère (2019).

L'ingénieur indien Rajendra Kumar Pachauri, alors président du Giec, lors de la présentation du précédent rapport d'évaluation, en 2014. © Giec

Le Giec est constitué de trois groupes de chercheur·se·s. Le groupe 2 étudie les conséquences, la vulnérabilité et l'adaptation au changement climatique. Le troisième est consacré aux politiques d’atténuations du dérèglement. Mais celui dont le travail est le plus scruté et qui rend sa copie lundi prochain, c’est le groupe 1, dédié aux données scientifiques sur l’évolution du climat.

Comme elles et ils l’avaient déjà fait lors de la préparation du cinquième rapport, publié en 2014, les expert·e·s du Giec ont passé en revue, digéré et synthétisé les publications parues au cours des dernières années. Leur objectif : parvenir à un nouveau consensus scientifique sur l'évolution du climat et tenter d’anticiper, entre autres, de combien de degrés le monde se réchauffera d’ici la fin du siècle. Ce travail constituera le premier volet du sixième rapport d'évaluation, attendu en 2022.

Cette première partie sera soumise aux responsables gouvernementaux dès la 26e Conférence des parties (Conference of the parties, COP, en anglais) des Nations Unies sur les changements climatiques, qui aura lieu à Glasgow du 31 octobre au 12 novembre prochains. Les deuxième et troisième volets du rapport rédigés par les deux autres groupes paraîtront en 2022.

La publication de ce premier tome du sixième rapport est très attendue par les ONG écologistes. « On est sur des données physiques, sur une science dure qui devient incontestable, car elle va être endossée par tous les États membres, explique à Vert Clément Sénéchal, chargé de communication sur le climat pour Greenpeace France. Cela va fixer un cadre matériel pour mettre à jour les politiques publiques. C'est aussi une ressource publique pour permettre à la société civile et aux citoyens de s'emparer de ces données. ».

• Vendredi, à la nouvelle date butoir imposée par l'ONU, seuls 110 pays avaient soumis leurs nouveaux engagements climatiques, soit un tout petit peu plus de la moitié des États signataires de l'accord de Paris sur le climat. En 2015, tous s’étaient pourtant engagés à déposer avant la fin 2020 une version révisée de leurs objectifs climatiques (appelés « Contributions déterminées au niveau national » - ou NDC). De nombreux pays avaient fait savoir qu'ils ne tiendraient pas ce délai en raison de l'épidémie de Covid-19 et du report de la COP26. - Déclaration de Patricia Espinosa, responsable climat de l'ONU

• Depuis plusieurs jours, l’Europe est meurtrie par une série de catastrophes liées au climat. La Finlande subit son plus grand feu de forêt depuis 50 ans. En Russie, l'agence fédérale des forêts a annoncé vendredi qu’elle venait d'éteindre 67 feux de forêt en une journée, tandis que plus de 200 incendies étaient toujours en activité. En Turquie, la pire série d'incendies depuis une décennie a fait au moins huit morts et un feu a léché les bords de la centrale thermique de la ville de Milas, avant d'être maîtrisé (AFP). En Grèce, face à la « pire canicule depuis 1987 », le Premier ministre a invité la population à « limiter la consommation électrique », alors que le réseau est sur-sollicité en raison de l’utilisation intensive de climatiseurs ou ventilateurs. - France24

• Ailleurs dans le monde, c'est la pluie qui fait des victimes et des dégâts. Une crue-éclair qui s'est abattue dans le nord-est de l'Afghanistan dans la nuit de mercredi à jeudi dernier a fait au moins 113 mort et 110 disparus, selon le ministère afghan de la Gestion des catastrophes (Le Monde). En Inde, la mousson – habituelle en cette saison, mais dont l'intensité est aggravée par le réchauffement climatique – a emporté des maisons et provoqué des glissements de terrain, portant le bilan à plus de 230 morts - Goodplanet

• Un zéro pas si net. Dans un rapport publié hier, l'ONG Oxfam s’est penchée sur les contours très flous de la notion de « zéro émission nette », de plus en plus souvent affichée par les entreprises et les États. Afin de pouvoir continuer leurs activités comme si de rien n’était (ou presque), ceux-ci promettent de compenser intégralement leurs émanations de CO2 en plantant des arbres, ou au moyen d’autres techniques. Les « promesses sont pour la plupart imprécises », reposent « sur de nouvelles technologies non éprouvées » ou sur un niveau d'utilisation des terres « qui provoquerait une insécurité alimentaire massive », explique Oxfam. « Il est mathématiquement impossible de planter suffisamment d’arbres pour atteindre les objectifs zéro émission nette cumulés annoncés », affirme l'ONG, qui promeut le « zéro émission » tout court. - Oxfam

• Émission suicide. Entre 2020 et 2100, une personne supplémentaire mourra des conséquences du réchauffement à chaque fois que seront émises 4 434 tonnes de CO2. Soit ce que produisent en moyenne 3,5 Américain·e·s au cours de leur vie, détaille une étude publiée jeudi dernier dans la revue Nature Communications. C'est la « mortalité sociale du carbone », selon l'auteur de l'étude, R. Daniel Bressler, chercheur en développement durable à l'université Columbia, qui rappelle que la plupart des ces morts auront lieu loin des États-Unis, dans les régions les plus chaudes de l'Afrique, du Moyen-Orient ou de l'Asie du Sud-Est. Et ce chiffre n'inclut pas les morts causées par les inondations, les ouragans et autres événements climatiques extrêmes. - Bloomberg (en anglais)

8 milliards de tonnes

Fondu pour fondu. La semaine dernière, le Groenland a enregistré des records de températures, avec 23,4°C atteints dans le nord-est du territoire. C’est le plus haut niveau mesuré depuis le début des relevés sur place. Supérieures d'environ 10 degrés aux normales saisonnières, ces températures ont entraîné un épisode de fonte massive de la calotte glaciaire groenlandaise, qui a perdu environ 8 milliards de tonnes chaque jour, selon les données du site de surveillance arctique Polar Portal. Soit le double du rythme moyen constaté durant la période estivale. Selon une étude publiée en janvier, la fonte de la calotte groenlandaise devrait contribuer à l’élévation générale du niveau des océans de 18 centimètres d’ici 2100, pour une hausse globale médiane comprise entre 26 et 81 cm si le réchauffement est bien limité à 2°C.

• Chômage centrale. Le 27 juillet, le tribunal administratif de Cayenne (Guyane) a suspendu les travaux en cours pour installer une centrale au fioul au Larivot, un territoire de mangroves en zone inondable. Les juges ont émis « un doute sérieux quant à la légalité » de l'autorisation environnementale accordée au projet, et estiment que celui-ci ne participe pas « de manière suffisante à la trajectoire de réduction » des émissions de carbone. La justice donne ainsi raison aux associations Guyane Nature Environnement et France Nature Environnement qui l'avaient saisi. EDF Guyane, qui porte le projet, a annoncé vouloir faire appel de cette décision, qui doit de toute façon être complétée d'un jugement sur le fond. - La Première

• Propragande. Les ONG américaines Accountable.US et Climate Power viennent de lancer une campagne de publicité contre l’industrie fossile baptisée « Polluters Exposed ». Placardées dans la région de la capitale, Washington D.C., les affiches rappellent que cette industrie bloque systématiquement l'action climatique et « fait passer les profits avant les gens ». Avec son petit budget d’un million de dollars, cette campagne tente de contrer les 3,6 milliards de dollars dépensés de 1986 à 2015 par les producteurs d’hydrocarbures pour promouvoir leurs activités néfastes pour le climat. - Heated (en anglais)

 

« Faire passer les profits avant les gens, c'est ce que fait le pétrole et le gaz ». L'un des messages de la campagne Polluters exposed. 

Sans rugir. Lundi prochain, pour la première fois, on ne verra pas d’animaux sur la piste du cirque d'André-Joseph et Sandrine Bouglione, qui inaugurera son nouveau spectacle dans la périphérie de Montpellier. Un engagement récent, mais mûrement réfléchi de la part des propriétaires de ce cirque, qui ont osé se remettre en question : « Nous étions des exploiteurs plutôt que des protecteurs ». Reporterre raconte ce virage opéré malgré les critiques du monde circassien, et les autres démarches écologiques qui ont suivi. - Reporterre

Méfions-nous du haut Rhin

Crues dévorantes. Les inondations en Allemagne dues à la crue de cours d'eau ont marqué les esprits cet été. Et si c'était le Rhin qui avait débordé ?

La question se pose, alors que ces phénomènes tragiques sont voués à se multiplier sous l’effet du bouleversement climatique. Un documentaire de 2015, actuellement rediffusé par Arte, montre le défi titanesque posé par le climat. Fleuve aux nombreux lacets, il a été dompté au 19e siècle et est devenu la voie fluviale la plus fréquentée d'Europe, à côté de laquelle se sont installées de grandes usines chimiques et des millions d'habitants. Mais les crues passées et celles à venir nécessitent de se préparer, ce à quoi s'emploient par exemple les Pays-Bas depuis plusieurs années déjà, en construisant des canaux de décharge qui rasent des maisons pour le bien collectif.

© Arte