Mercedi 27 avril 2022
Chères toutes et chers tous,
Exceptionnellement, il n'y aura pas d'édition de Vert jeudi et vendredi. L'équipe de Vert a besoin de souffler après une folle élection présidentielle et avant le début de la campagne des législatives. Pour ne pas vous laisser en plan, nous publierons tout de même des articles sur notre site (vert.eco) et nous vous avons préparé une édition un peu plus longue qu'à l'accoutumée.
👀 Nous vous retrouvons dès ce lundi avec plein de choses à vous raconter !
Les activistes refusent de laisser béton et Vert prend l'air pour garder la raison.

Une journée de mobilisation dans toute la France pour soutenir les luttes locales contre les projets écocides
Au pied du mur. À l’appel du mouvement Terres de luttes, plus de 120 collectifs locaux de résistance contre des projets polluants se sont coordonnés, ce mardi, pour une mobilisation nationale intitulée « Retour sur terres ». Au total, plus de 30 actions variées ont eu lieu dans toute la France pour dénoncer la multiplication de projets jugés toxiques et inutiles par les habitant·es. Reportage en région parisienne.
Il est six heures du matin sur le boulevard Saint-Germain, dans le 7ème arrondissement de Paris. Un fourgon déverse son chargement d’activistes, parpaings et seaux de ciment dans les bras. En quelques minutes, une quinzaine de militant·es d’Extinction rebellion, du collectif de défense des Jardins d’Aubervilliers et d’autres mouvements de luttes écologistes érigent un mur devant l’entrée du ministère de la Transition écologique avant de se disperser. Sur cet ouvrage de près de deux mètres de haut, le tag suivant : « Ministère fermé, reprenons les terres ».
Les activistes entendent ainsi dénoncer « l’inutilité » d’un ministère auquel elles et ils ne font plus confiance pour protéger les terres de l’artificialisation.
Par cette action éclair, les militant·es apportent aussi leur pierre à la journée de mobilisation nationale organisée ce mardi. « Au lendemain de la présidentielle, on veut montrer que c’est par le local qu’on peut reprendre le pouvoir. Nous n’attendons rien du gouvernement, on sait que ce sont nos mobilisations qui font avancer les choses », argue Léna Lazare, chargée de mobilisation à Terres de luttes, auprès de Vert.
Blocage d’une ferme-usine dans le Tarn, comptage de camions dans le Bas-Rhin, simulation du procès de « l’élevage industriel » dans les Côtes-d’Armor, plantation de semis sur le terrain d’une future prison dans le Vaucluse… Au total, une trentaine d’actions ont été menées dans toute la France au cours de la journée.

Sur le plateau de Saclay, dans l’Essonne, la Coordination Île-de-France des luttes locales a organisé une grande marche funèbre le long des chantiers de la future ligne 18 du métro parisien. Une centaine de manifestant·es se sont retrouvé·es à Palaiseau pour inspecter la « scène de crime » née de la bétonisation du plateau de Saclay. Parmi les actions théâtrales organisées pour sensibiliser le public, une mésange géante a rendu visite aux employé·es d’un tunnelier du futur métro aux notes de la Marche funèbre, puis s’est tenu un die-in (action qui consiste à se coucher pendant plusieurs minutes pour simuler la mort) pour symboliser l’effondrement du vivant.
Plusieurs membres du Collectif pour le triangle de Gonesse ont fait le déplacement depuis le Val d’Oise pour soutenir la mobilisation sur le plateau de Saclay. « C’est la solidarité qui nous permet d’avancer. Et surtout, on apprend les uns des autres dans les luttes locales, indique Bernard Loup, président du collectif et militant depuis 1995, en tête de cortège. Avec, en arrière-fond, le bruit incessant des machines de chantier de la future ligne 18. « On ne tient pas sans les autres ».

· Vendredi dernier, un activiste américain pour le climat s’est immolé par le feu sur les marches de la Cour suprême des États-Unis, à Washington. Âgé de 50 ans et de confession bouddhiste, Wynn Bruce a succombé à ses blessures le lendemain. Selon plusieurs sources, il souhaitait protester contre l’inaction climatique et aurait prévu son acte de longue date à l’occasion de la « Journée de la Terre » qui se tenait le même jour. - Ouest-France
· Ce mercredi, le groupe russe Gazprom va suspendre ses livraisons de gaz vers la Pologne et la Bulgarie. Une décision prise après que Varsovie a refusé de payer Gazprom en roubles, conformément aux sanctions européennes prises contre Moscou. C’est la première fois que le Kremlin coupe l’approvisionnement en gaz d’un pays depuis le début de la guerre en Ukraine. Une décision qui inquiète les pays qui en dépendent le plus, comme l’Allemagne. - Courrier International
· À la fin d’une campagne présidentielle décevante pour de nombreux·ses électeur·rices, de plus en plus de citoyen·nes passent le cap pour s’engager dans des associations écologistes. Le mouvement Alternatiba, qui évoque un « effet élection », a dénombré pas moins de 530 nouvelles recrues en une semaine durant l’entre-deux-tours. Peu après les résultats du premier tour de l’élection, l’activiste Camille Étienne s’était émue sur les réseaux sociaux du nombre de personnes qui l’avaient contactée pour se mobiliser pour le climat.- France info


« Désinformation climatique »
Liberté de désinformer. Le rachat du réseau social Twitter par le milliardaire libertarien Elon Musk est-il de bon augure pour l’action climatique ? Plus encore que Facebook, TikTok, YouTube ou Pinterest, Twitter ne remédie pas assez à la diffusion d’idées climatosceptiques ou fausses sur le climat, signalent Les Amis de la Terre, Greenpeace et Avaaz, co-signataires d’une analyse sur le sujet. Les organisations ont retenu 27 critères de suivi (définition claire de la désinformation climatique, interdiction de la désinformation dans le contenu recommandé, suspension des comptes qui la propagent, consultation de spécialistes du climat pour examiner le contenu signalé…). Il apparaît que Pinterest et Youtube ont pris les mesures les plus importantes (avec une note de 14 sur 27). Facebook, TikTok et Twitter sont en revanche « à la traîne dans leurs efforts » - avec respectivement 9, 7 et... 5 points : ces réseaux ne fournissent pas de définition de la désinformation climatique, ni de détails sur les mesures qu’ils prennent contre les récidivistes.
Si Twitter a profité du « jour de la Terre », le 22 avril, pour annoncer que les publicités trompeuses sur le changement climatique seraient désormais interdites (AFP), le rachat du réseau par Elon Musk interroge : l’homme le plus riche du monde, amateur de provocations aux affinités à peine masquées avec Donald Trump, a promis une modération des contenus moins stricte encore.

Greenwashing : les entreprises ne pourront plus promouvoir la neutralité carbone de leurs produits à moins de l’avoir prouvée
C’est plus dur compensé. Les publicités ne pourront plus vanter des produits « neutres en carbone » ou « 100% compensés » sans avoir publié un bilan carbone détaillé de ces derniers, selon un récent décret d’application de la loi Climat et résilience.
Voilà une belle avancée contre le greenwashing éhonté de certaines entreprises. Si les annonceurs souhaitent promouvoir la neutralité carbone (soit la compensation de tout le CO2 émis) de produits ou de services, il leur faudra désormais le démontrer publiquement. Une disposition prévue dans l’article 12 de la loi Climat et résilience, et dont le décret d’application a été publié jeudi 14 avril au Journal officiel. Il entrera en vigueur le 1er janvier 2023 et vise à encadrer les allégations de neutralité carbone sur l’ensemble des supports publicitaires (médias web et audiovisuels, affichage, étiquetage des produits, etc).
Les annonceurs seront tenus de rendre public un bilan détaillé des émissions de gaz à effet de serre d’un produit ou d’un service sur l’ensemble de son cycle de vie - c’est-à-dire de sa conception jusqu’à son recyclage ou son élimination. Ces informations seront publiées en ligne et accessibles grâce à un lien ou un QR code disponible sur l’emballage ou la publicité concernée.

« Bien sûr, il aurait été plus simple d’interdire directement les allégations de neutralité carbone », ironise auprès de Vert Mathieu Jahnich, consultant indépendant spécialisé dans la communication responsable. L’interdiction de telles affirmations était initialement prévue dans le texte adopté par l’Assemblée nationale, avant qu’il ne soit vidé de sa substance par des dérogations imposées par le Sénat. Un revirement qui avait été jugé par certain·es comme une forme d’« institutionnalisation du greenwashing » (Carbone 4).
Finalement, le décret publié inclut de strictes conditions à remplir pour prétendre aux allégations de « neutralité carbone », ce qui « peut avoir pour effet de revenir à l’idée première d’interdiction », analyse dans un billet de blog Arnaud Gossement, avocat en droit de l’environnement.
L’intérêt est de générer un effet dissuasif pour la plupart des annonceur·ses face aux nombreux éléments à fournir. Jusqu’à présent, les entreprises profitaient d’un flou juridique leur permettant de verdir leur image. « Forcer les entreprises à publier ces données veut aussi dire qu’elles sont accessibles pour leurs concurrent·es, les expert·es et les ONG, et c’est là que se fera la pression », décrypte Mathieu Jahnich. Avec l’espoir que les ONG et les citoyen·nes s’empareront de cet outil juridique pour faire rentrer dans le rang les entreprises férues de greenwashing.

Les images d’un ours blessé dans les Pyrénées
À la peine. Un ours traînant la patte arrière gauche a été observé et filmé en Val d’Aran (Pyrénées espagnoles - non loin de la frontière française) le 16 avril 2022. Il s’agirait du mâle Néré, né en 1997 et père de Cannellito - dont la mère, Cannelle (abattue en 2004) était la dernière ourse de souche pyrénéenne. « Un protocole d’observation particulier a été mis en place (...) pour suivre l’état de santé de l’animal », a précisé à Sud Ouest l’association Pays de l’Ours - Adet, qui soutient l’implantation et le suivi des plantigrades et souligne l’importance de cet individu pour l’avenir de l’espèce dans les Pyrénées, alors que 70 ours y ont été décomptés en 2021.

+ Loup Espargilière et Anne-Sophie Novel ont contribué à ce numéro