Les essences bidons et l’allumette


1 000 milliards d'arbres ! promettent Trump, Erdoğan et les autres. Le réchauffement climatique promet, quant à lui, de faire partir leurs beaux dicours en fumée.

Les courants marins s'accélèrent, et l'on ne s'y attendait pas

Après les vagues de chaleur, l’acidification, la montée des mers, il est une conséquence de la crise climatique que l'on ne s'attendait pas à observer avant très longtemps. Comme l'ont constaté les auteurs d'une étude parue mercredi 5 février dans la revue Science Advances, les courants marins s'accélèrent presque partout à travers la planète.

En s'appuyant sur les données collectées par le vaste réseau de balises Argos, les chercheurs ont constaté que les courants de 76% des eaux situées entre 0 et 2000 mètres de profondeur s'étaient accélérés depuis trente ans. 

En cause : la vitesse du vent, qui a cru de 2% par décennie depuis 1990, entraînant à son tour l'accélération des courants marins de 15% dans la même période. Principal carburant de l'augmentation de la vitesse du vent, selon les chercheurs : la multiplication du CO2 dans l'atmosphère produite par les activités humaines. 

Cette accélération avait bien été envisagée par le passé, note le Washington Post, mais seulement dans les scénarios les plus catastrophistes. Elle aurait dû se produire à la fin du siècle et sous des températures bien plus élevées. 

Les conséquences d'un tel phénomène sont encore incertaines, mais les chercheurs anticipent des dégâts importants dans les écosystèmes des régions côtières. A lire dans le Washington Post (en anglais).

En Corse, un incendie hivernal 

Chaleurs inhabituelles, vents violents : les ingrédients étaient réunis lorsque s'est déclenché, mardi 4 février, un puissant incendie en Corse-du-Sud. Hier, le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner a indiqué que le feu était contenu. Mais il faudra plusieurs jours pour l'éteindre. 

Au moment où l'incendie s'est déclaré, « il faisait bon, sur l'île de beauté », a résumé Météo France sur Twitter. Dans le nord, Bastia venait de battre son record de chaleur pour un mois de février : 24,3°C.

Le panache de fumée s'est étendu sur plus de 300 kilomètres © Météo France
Donald Trump et Emmanuel Macron plantent un arbre dans le jardin de la Maison blanche, le 23 avril 2018 © Steven Herman

Le président s'inscrit dans le projet présenté par le Forum économique mondial, qui s'est tenu à Davos à la mi-janvier, dont la promesse est faire pousser des centaines de milliards d'arbres pour capter une partie du CO2 émis par les activités humaines. Nous verrons plus bas dans ce numéro ce que pense la recherche de ce type d'initiatives.

Le projet de Davos est baptisé « 1t » pour 1 trillion (1 000 milliards). Son site internet, qui ressemble à celui d'une application mobile de start-up, ne fait pour l'instant mention d'aucun projet spécifique. De la même manière, Donald Trump ne s'est engagé sur rien en particulier.

Un vœu pieux qui ne coûte pas cher et dont le principal objectif, à quelques mois de la présidentielle américaine, est surtout de faire croire que les Républicains s’intéressent à l’environnement.

Que tout le monde se rassure, hormis cet interlude écolo, Trump a longuement applaudi les exportations record de gaz et de pétrole de son pays. A lire dans Grist (en anglais).

Plantation n’est pas reforestation

Avant le projet de Davos, il y a déjà eu plusieurs programmes de reforestations massives. Initié en 2011, le défi de Bonn rassemble plus de 100 gouvernements et promet de planter 350 millions d’hectares d'ici 2030. Or, comme l'ont expliqué les auteurs d'une étude parue dans Nature en 2019, les immenses plantations d'arbres en monoculture n'ont rien à voir avec la « reforestation » promise.

Pour atteindre leurs objectifs de réduction de gaz à effet de serre, les Etats (comme les entreprises) se lancent à corps perdu dans la plantation de millions, voire de milliards d'arbres. Mais il y a plusieurs manières de s'y prendre : on peut essayer de restaurer les forêts naturelles ou planter massivement des arbres d'une seule espèce. 

En avril 2019, la moitié des Etats engagés dans le défi de Bonn, représentant les deux tiers des surfaces concernées, avaient annoncé comment ils comptaient faire. Comme l'ont expliqué les deux chercheurs dans The Conversation, 45% des terres doivent devenir des plantations en monoculture, particulièrement vulnérables aux ravageurs, aux maladies et aux incendies. 21% des terres doivent être converties à l'agroforesterie, dans un mélange de forêts et de champs. Enfin, seul un tiers de la surface servira à restaurer des forêts naturelles. 

Or, indiquent les chercheurs, utiliser l'intégralité des terres promises dans le cadre du défi de Bonn pour en faire des forêts permettrait de capter 42 milliards de tonnes de CO2 d'ici à 2100 (soit, environ, une année d'émissions mondiales), contre 1 pauvre milliard si tout était converti en monoculture. A lire dans The Conversation.

Les millions d'arbres morts de l'opération de comm' du gouvernement turc

Voilà un parfait exemple de tout ce qu'il ne faut pas faire. La quasi-totalité des 11 millions d'arbres plantés par la Turquie en novembre 2019 seraient déjà morts, selon le syndicat national de l'agriculture et de la foresterie. 

Le 11 novembre 2019, rebaptisé pour l'occasion « Journée nationale de la reforestation », toute la Turquie (y compris son président, Recep Tayyip Erdoğan) a retroussé ses manches pour planter ces millions de jeunes pousses à travers le pays. A Çorum, dans le nord de l'Anatolie, on a même battu le record du monde d'arbres plantés en une heure : 303 150, comme le rapporte le Guardian

Or, selon le président du syndicat national de l'agriculture et de la foresterie, 90% des 11 millions d'arbres auraient péri en l'espace de quelques mois seulement. En cause : la sécheresse, mais aussi l'amateurisme des jardiniers et les terrains inadaptés où ont été installés les arbustes. 

Sans ciller, le ministre de l'agriculture jure, lui, que 95% des arbres sont aujourd'hui en bonne santé. Même avec un temps et une préparation normales, explique encore le syndicaliste, le taux de réussite se situe entre 65 et 70%. Une histoire tragicomique à lire dans le Guardian.

Adapter ses cépages au réchauffement 

On ne sait pas s'il s'agit réellement d'une bonne idée, mais elle sera indispensable. Comme Vert l'avait raconté, la moitié des terres viticoles pourrait disparaître si la planète se réchauffait de 2 degrés. Les vignerons ont tout intérêt à sauver ce qui peut encore l'être en se choisissant des espèces de raisins qui résisteront mieux à la chaleur

Exit le pinot noir, le chasselas ou le chardonnay qui risquent de pâtir très fortement des fortes températures, nous dit Libération, graphiques à l'appui. Syrah, grenache et mourvèdre, utilisés notamment dans la vallée du Rhône, seraient parmi les meilleurs candidats à l'implantation sur les territoires viticoles tempérés. A lire dans Libération.

Fichons la paix aux forêts

Quand on les laisse tranquilles, les forêts se débrouillent très bien toutes seules, merci pour elles. Dans le dernier épisode de sa série Plan B, le Monde s'est rendu en Dordogne, où des agents de l'Office national des forêts constituent des réserves biologiques : des lieux laissés en paix, où la biodiversité peut se développer presque comme si de rien n'était. A Nantes, également, certains donnent à la sylve un petit coup de pouce avec une méthode japonaise qui permet de créer des forêts urbaines sur des sols appauvris.