Le désespoir de l’énergie


Un numéro où l'on verra que le pétrole sent le gaz, et que l'hydrogène ne nous sauvera (probablement) pas.  

Le gouvernement veut rassurer les "150"

Mercredi 30 septembre, à Matignon, le Premier ministre Jean Castex a tenté de rassurer les membres de la Convention citoyenne pour le climat (CCC), dont l'inquiétude monte à mesure que le gouvernement continue d'écarter bon nombre de leurs propositions faites en juin dernier. 

« On ne lâchera pas ! », avaient prévenu dans un tweet les représentant•e•s de la Convention citoyenne pour le climat en amont de ce point d'étape attendu. Elles et ils disaient espérer « discuter de l'avancée de nos mesures, des concertations en cours, du calendrier, poser nos questions, exprimer nos inquiétudes aussi... ».

Et pour cause, la semaine a été rythmée par plusieurs désaveux contre des propositions emblématiques de la Convention : moratoire sur la 5G, régulation de la publicité et malus automobile en fonction du poids du véhicule, notamment. Lors de la présentation des 149 propositions de la CCC, le Président Macron avait promis que celles-ci seraient toutes mises en œuvre « sans filtre » à l'exception de trois d'entre elles : ses « jokers ». Trois mois plus tard, France Info en compte déjà huit, parmi lesquels la baisse de la TVA sur les billets de train et une écotaxe sur les billets d'avion, également rejetées. 

La délégation de la CCC, reçue mercredi à l'hôtel Matignon ©  Twitter/@JeanCASTEX

Le Premier ministre a voulu faire bonne impression en annonçant – sur le tard – l'intégration de six nouvelles mesures de la Convention dans le projet de loi de finances pour 2021. Le document récapitulatif du gouvernement estime en outre qu'« environ un cinquième des mesures ont déjà été totalement ou partiellement mises en œuvre », en particulier via le plan de relance.

Pour le reste, une importante partie des propositions devrait se retrouver dans le projet de loi « Climat », attendu en Conseil des ministres en décembre, avant un débat au Parlement début 2021, a promis Jean Castex. « Le premier ministre a été très pédagogue sur ce qui a déjà été adopté, a confié à la Croix Pascal Beulque, l’un des citoyens de la Convention reçus à Matignon. En revanche, il ne nous a pas donné beaucoup de visibilité sur la suite ». Plus d'informations dans le Monde (abonnés).

« J'adore le tricot ! Et ce qu'on est en train de faire c'est de tricoter un beau pull vert que vous pourrez mettre à Noël »

C'est le trait d'esprit lancé par Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, le 30 septembre 2020, alors qu'elle était interrogée sur les accusations de « détricotage » des 149 mesures de la Convention citoyenne pour le climat. La ministre risque d'avoir maille à partir avec ses 150 membres.

Mercredi, l'Australie a approuvé deux projets controversés d'extraction d'énergies fossiles. Dans l’État de Nouvelles Galles du Sud, l'extraction de gaz de couche (issu du charbon) impliquera de creuser 850 puits sur une surface de 1 000 hectares tandis que le projet de mine de houille destinée à l'alimentation des aciéries au Queensland entraînera la déforestation de zones habitées par les koalas. - Science et avenir (AFP)

• Le WWF et l’ONG britannique spécialisée Traffic dénoncent les exportations de tigres depuis l’Union européenne (UE), dans un rapport paru mercredi. En cinq ans, 103 félins nés en captivité ont été transférés hors de l'Europe tandis que 84 autres en provenance d’autres pays ont été réexportés. Ce commerce « peut stimuler la demande et augmenter le braconnage des tigres sauvages », estiment les ONG. Elles demandent à l'UE de « recommander aux pays membres d’interdire le commerce avec des pays tiers de tigres vivants ou de parties de tigres ». - Le Monde 

L'hydrogène : ce rêve bleu 

Hydrogénial ? La plupart des pays industrialisés ont décidé de se lancer dans la course à l'hydrogène, présenté comme le nouvel eldorado écologique. Mais de quoi parle-t-on exactement ?

Si l'on regarde aujourd'hui l'usage qui est fait de l'hydrogène, il est difficile de faire le lien avec la transition écologique. En effet, ce gaz est utilisé à plus de 80% dans la fabrication d'ammoniac (indispensable à l’industrie des engrais chimique) et le raffinage des produits pétroliers. Surtout, son mode de production le plus répandu – le réformage – est fortement émissif de gaz à effet de serre puisqu'il s'agit d'extraire les molécules d'hydrogène (H) présentes dans le gaz naturel (CH4) en relâchant au passage une bonne dose de carbone (C).

Si l'hydrogène nourrit autant d'espoirs, c'est qu'il est aussi possible de s'en procurer de façon beaucoup plus vertueuse puisque, comme son nom l'indique, il est aussi un composant de l'eau (H2O). On peut isoler les atomes d'hydrogène (H) et d'oxygène (O) en utilisant un courant électrique. C'est ce qu'on appelle l'électrolyse de l'eau. Pour peu que l'électricité soit d'origine renouvelable, c'est un combo gagnant !

A gauche la production d'hydrogène par réformage du gaz, à droite par électrolyse de l'eau  © Air Liquide

Et c'est là que la transition énergétique devient possible, selon ses promoteurs, puisque l'hydrogène est également un vecteur énergétique très prometteur, comme l'explique Le Monde. C'est-à-dire qu'il permettrait par exemple de stocker l'électricité renouvelable lorsqu'elle est produite en excédent. Il peut également être injecté directement dans le réseau de gaz ou faire fonctionner des véhicules en remplacement du pétrole.

Là où le bât blesse, c'est que tout ceci reste plus cher que les solutions fossiles existantes. L'Agence de la transition énergétique estime par exemple que l'hydrogène vert pourra être produit autour de 5€/kg à horizon 2035 contre moins de 2€/kg aujourd'hui, par vaporéformage du gaz fossile. D'autre part, la massification de la production d'hydrogène impliquera mécaniquement d'augmenter drastiquement la production d'électricité. 

Les énergies renouvelables suffiront-elles ? Les défenseurs du nucléaire y voient aujourd'hui un débouché prometteur pour cette filière bas-carbone. Pour (vraiment) tout savoir sur l'hydrogène, nous vous recommandons cette vidéo de nos camarades d'Osons Comprendre (abonnés). 

Le pétrole sent le gaz

Mazoutte ! Alors que le mouvement mondial de désinvestissement des énergies fossiles se massifie, les majors pétrolières (elle-mêmes !), ainsi que leurs amis, prennent leurs distance avec l'or noir.

« Total va diminuer sa production de pétrole ». L'annonce a été faite hier par le président de la major française, Patrick Pouyanné. Une première, depuis la naissance, en 1924, de celle qui s'appelait alors Compagnie française des pétrole. La nouvelle, annoncée sur fond de crise de la demande, est à relativiser fortement : Total ne promet pas la fin des hydrocarbures, loin de là, comme l'expliquent les Echos

Le gaz représentera la moitié de la croissance de sa production d'énergie au cours des dix prochaines années. L'autre moitié viendra de l'électricité, produite dans des centrales à gaz et, de plus en plus, à partir d'énergies renouvelables comme l'éolien et le solaire.

La bioraffinerie de Total à la Mède © Total 

Ces derniers mois, la plupart des majors européennes se sont même engagées à devenir neutres en carbone d’ici 2050. Une promesse totalement irréaliste, comme Vert l'avait raconté. Signe, toutefois, des temps qui changent : après avoir annoncé la fin du pétrole cher (donc rentable) en juin, entraînant une forte dépréciation de sa valeur, la britannique BP a prédit en septembre que le pic de la demande mondiale en pétrole pourrait avoir été atteint. Le pétrole serait condamné à décliner inexorablement.

En parallèle, les fossiles continuent de perdre des amis chez les investisseurs mais aussi les assurances : fin août, l'Australien Suncorp, géant du secteur, a annoncé qu'il cesserait totalement d'assurer ou de financer des projets d'énergies fossiles d'ici 2025, comme le détaille le Guardian. D'après l'association DivestInvest, plus de 14 000 milliards de dollars ont été désinvestis des projets fossiles depuis le lancement du mouvement, en marge de la COP 21, en 2015. 

Le Muséum fait des podcasts

Le Muséum national d'histoire naturelle a lancé au printemps son programme de podcasts baptisé « Pour que nature vive » dédié aux enjeux de la biodiversité et de sa préservation. Après le succès des six premiers épisodes, l'établissement a décidé de poursuivre avec la diffusion de six nouvelles émissionsune par semaine - à partir de ce jeudi 1er octobre. Au programme : microbes, grands singes, perturbateurs endocriniens, économie ou encore cycle de la vie. Chaque thématique est incarnée par un scientifique du muséum au cours d'épisodes de 30 minutes environ.

Pour que nature vive, la série de podcasts du MHNH. Cliquez pour écouter le nouvel épisode et retrouver les dates de sorties des prochains podcasts.