Le concours Lépine de l’inaction climatique


Parfois, entreprises et gouvernements rivalisent d'ingéniosité pour tout faire sauf lutter contre le réchauffement climatique.  

Le concours Lépine des mauvaises idées pour la planète 

Le changement, c'est pas pour maintenant. Entreprises, scientifiques et gouvernants multiplient les innovations pour que rien ne change sur le fond.

Comme le rappelle le Guardian, si l'industrie du béton était un pays, elle se placerait au troisième rang mondial en matière d'émissions de dioxyde de carbone (CO2), après la Chine et les Etats-Unis. Mais qu'à cela ne tienne ! CarbonCure se propose d'aspirer tout le CO2 des cimentiers pour le transformer en calcaire. Une « solution » dans laquelle ont notamment décidé d'investir Microsoft et Amazon. 

Si les technologies de capture de carbone pourraient permettre des améliorations à la marge, elles se transforment souvent en excuse pour ne pas réduire les émissions à la source. Or le problème ici, c'est bien le recours massif et croissant au béton dans la construction, qui produit entre 5 et 8% du CO2 mondial. 

La climate pledge arena, ou "stade de l'engagement climatique" - nom du futur stade de hockey sur glace d'Amazon à Seattle © Compte Instagram de Jeff Bezos

Amazon promet d'utiliser ce nouveau béton sans CO2 dans ses nouveaux bureaux de Virginie. Mais dans le même temps, la multinationale continue d'accroître sa flotte aérienne et émet désormais autant de CO2 que le Portugal, comme Vert l'avait raconté

Un universitaire étasunien propose, quant à lui, un nouveau matériau permettant de renvoyer la chaleur du soleil dans l'espace au moyen d'ondes infrarouges. Une solution qui permettrait de « réduire la consommation [d'électricité - Nldr] des climatiseurs de 10 à 20% » une fois les bâtiments équipés de ce nouveau revêtement, s'émeut le Washington post. Et qui nous servira, ajoute sans rire le quotidien, à « répondre aux besoins d'une planète qui se réchauffe sans faire empirer » le climat. 

Pour récompenser « la capacité de l’ingéniosité humaine », le prince William a lancé, jeudi dernier, le prix « Earthshot »« le plus prestigieux » consacré à l'écologie. Doté de 55 millions d'euros, celui-ci doit récompenser des projets permettant de « réparer la planète », et d'« adopter des solutions à grande échelle ». Inspiré du projet « Moonshot », qui a permis au président Kennedy d'envoyer des hommes sur la lune, le prix Earthshot promet d'encourager la fuite en avant technologique.

Des « solutions » promues par certains des principaux responsables de la crise climatique, qui constituent autant de moyens d'esquiver le débat sur de plus profondes et nécessaires transformations. 

• 40 maires et président•e•s d'intercommunalités se plaignent du manque de moyens pour financer la transition écologique à l’échelle locale. Dans une tribune publiée dimanche dans le JDD, elles et ils demandent que les plans de relance européens et nationaux financent les projets portés par les territoires et soutiennent leur fonctionnement - le JDD
 

• Baptisé « countdown » (compte à rebours), un événement virtuel dédié au climat a rassemblé des dizaines de personnalités, comme le pape François ou le prince William (encore lui), samedi 10 octobre. Au cours de ces six heures de diffusion, organisée par le site de conférence en ligne TED, les intervenant•e•s se sont succédé•e•s pour alerter quant à l’urgence d’agir à tous les niveaux pour tenter de limiter l’impact de la crise climatique - Le Monde (AFP)
 

• Le conseil municipal de Lille a décidé, vendredi soir, de mettre en place un moratoire sur la 5G. La ville suspend « toute autorisation d’implantation ou d’allumage d’antennes test liées à la technologie 5G, (...) au moins jusqu’à la publication du rapport attendu en 2021 de l’Anses », l’agence nationale qui doit livrer ses conclusions quant aux effets de cette technologie sur la santé humaine. L’Etat a le pouvoir de passer outre cette décision, qui a principalement pour but de susciter le débat – Le Monde (AFP)

© Extinction Rebellion Ile-de-France

En France, le mouvement Extinction lance sa « rébellion internationale d’octobre » en grande pompe avec ce message Rebel (« rebellez-vous ») accroché à la tour Eiffel, dimanche. Blocages, conférences, méditation pour la paix ; de nombreuses actions sont prévues tout au long de la semaine dans plusieurs grandes villes de France, dont la liste est disponible sur le site de l’organisation.

Ikea, HSBC et les petits gestes

Il suffirait qu'un petit milliard de personnes adoptent des éco-gestes et le tour (climatique) serait joué. C'est le message trompeur de Count us in, une campagne en ligne sponsorisée par de grandes entreprises

Réduire sa consommation de viande, voler moins, conduire un véhicule électrique... Sur son site, Count us in énumère une liste de 16 gestes pleins de bon sens à entreprendre pour réduire son bilan carbone. Si un milliard d'entre nous s'y mettait sérieusement, nous pourrions réduire les émissions planétaires de 20%, promettent ses promoteur•rice•s. 

Count us in suggère également de réparer ses objets plutôt que de les mettre à la poubelle. Cocasse, alors que la campagne est financée par Ikea, royaume du meuble jetable, régulièrement accusé de favoriser la déforestation illégale

Parmi les sponsors repérés par le Guardian, on trouve également HSBC. Entre 2016 et 2019, elle est la deuxième pire banque européenne en matière de financement de projets de gaz et de charbon, d'après un rapport de plusieurs ONG, dont Greenpeace. Count us in suggère tout de même de « verdir son argent »

« Vous pourriez pensez que la pollution carbone (sic) est seulement le fait d'une poignée d'entreprises – mais nombre d'entre elles le font pour fournir des biens et services aux individus », indique Count us in. Le réchauffement est donc bien de la faute des consommateur•rice•s. 

Un mythe savamment entretenu par les entreprises, démonté par le cabinet d'ingénieurs Carbone 4, fin 2019. Selon ses calculs, même en adoptant un « comportement héroïque » - c'est-à-dire en réduisant au maximum sa consommation, un•e Français•e ne pourrait faire baisser que de 25% son empreinte carbone (soit l'ensemble du CO2, y compris celui issu des « émissions importées »). Plus d'informations sur Count us in dans le Guardian (en anglais).

Une convention citoyenne régionale en Occitanie 

De vraies bonnes idées, cette fois. Première région à le faire, l'Occitanie a créé sa propre Convention citoyenne afin d'élaborer des propositions pour son avenir. 

Sur le modèle de celle – dédiée au climat - qui a livré ses 149 propositions à Emmanuel Macron en juillet, la Convention occitane réunit 103 habitant•e•s de la région tiré•e•s au sort, et issu•e•s de tous milieux socioprofessionnels et répartis entre ville et campagne, raconte le Monde

Le mandat qui leur a été confié : « améliorer la vie des habitants de l’Occitanie et préparer l’avenir », dans la limite des compétences de la région. A l'issue de sept journées de travail en commun, elles et ils ont rendu quelque 300 propositions en milieu de semaine dernière. Parmi celles-ci, rapporte encore le Monde : aider les agriculteur•rice•s à vendre leurs produits en circuits-courts, favoriser le covoiturage, remettre en route les petites lignes de train ou encore, faire cesser l'extension des villes en revitalisant les centre-bourgs.

Une majorité de ces propositions devrait être intégrée au « Green New Deal » régional, plan de développement « vert » voté à la mi-novembre. Elles seront également soumises au vote en ligne des 4,5 millions d'habitant•e•s de la région de plus de 15 ans, entre le 16 octobre et le 6 novembre. Les 52 propositions prioritaires sont à lire sur le site de la région. Plus d'informations dans le Monde (abonnés). 

Un potager en centre-ville, c'est possible !

Bertrand Usclat est un maraîcher d'un genre un peu particulier puisqu'il a installé son potager au bord du périphérique parisien. Gaz d'échappement et seringues usagées mises à part, tout roule, comme il l'explique à Broute, le média parodique diffusé par Canal +. 

© Broute - Canal +