La quotidienne

Chahutage profond

Un numéro où l'on verra que le carbone crève le plafond quand nos navires touchent le fond.


Le chalutage profond émet autant de CO2 que tous les avions

Chalut l'artiste. Le chalutage en eaux profondes, cette technique de pêche qui consiste à racler le sol des océans, libère des quantités faramineuses de CO2

Pour s'assurer de récupérer un maximum d'animaux avec le minimum d'effort, des chalutiers laissent traîner derrière eux un vaste filet qui décolle la vie des fonds marins. Or, les sédiments qui composent les sols de l'océan constituent d'immenses réservoirs de carbone, rejetés dans l'eau lorsqu'ils sont ainsi labourés. 

Extrait d'une bande dessinée de 2013 dans laquelle Pénélope Bagieu explique le principe et les dangers du chalutage en eaux profondes. A lire ici. 

En janvier 2017, l'Europe a interdit le chalutage profond au-delà de 800 mètres de fond. Mais il est toujours pratiqué dans les zones plus superficielles, ainsi que dans le reste du monde. A tel point que son bilan carbone équivaut à celui de l'aviation mondiale, révèle une importante étude, publiée mercredi dans Nature. Selon les scientifiques, cette pêche génère entre 0,6 et 1,5 milliard de tonnes (gigatonnes) chaque année, contre 0,92 gigatonne pour la totalité de la flotte aérienne (en 2019, avant la pandémie). 

Dans le top 10 des pays les plus émetteurs de ce CO2 sous-marin, on trouve la Chine (très loin devant), la Russie, l'Italie, le Royaume-Uni, le Danemark et... la France. 

Afin de résoudre ce drame environnemental et climatique, les auteur•rice•s de l'étude recommandent de protéger au moins 30% de l'étendue des océans d'ici 2030, ce à quoi se sont engagés une cinquantaine d'Etats (Guardian). Aujourd'hui, seuls 7% sont protégés, et 2,7% le sont fortement.

Elles et ils ont identifié les zones où la protection serait la plus « rentable » pour préserver à la fois la biodiversité, les stocks de poisson et le climat. La sauvegarde de seulement 4% des mers – principalement dans les eaux nationales – permettrait de réduire de 90% les émissions liées au chalutage profond. Plus d'informations dans le Guardian (anglais).

• Début mars, EDF a annoncé à l’Autorité de sûreté du nucléaire (ASN) la présence de défauts de soudure sur un réseau de tuyauterie de la future centrale EPR de Flamanville (Manche), vient d’annoncer l’ASN dans un communiqué. Un énième contretemps qui pourrait entrainer un retard et des coûts supplémentaires pour ce chantier cauchemardesque. La centrale EPR de troisième génération devait coûter 3,3 milliards d’euros et commencer à produire de l’électricité en 2012. Son coût est désormais estimé par la Cour des comptes à 19,1 milliards d’euros et elle ne démarrera pas avant 2023. - Le Monde (abonnés)

L’atmosphère contient moitié plus de CO2 qu’à l’ère préindustrielle

C'est odieux. En 2021, la concentration en dioxyde de carbone (CO2) dans l’atmosphère dépassera de 50% les niveaux de l’ère pré-industrielle. Un seuil qui nous ramène trois millions d'années en arrière.

Pendant quelques jours, entre février et mars derniers, le taux de CO2 a dépassé 417 parties par million (ppm), rapporte Carbon Brief. Une concentration 1,5 fois plus élevée qu'à l’ère pré-industrielle, stable à 278 ppm jusqu’à la fin du 18e siècle. 

Un chiffre effarant mesuré à Hawaï (Etats-Unis), loin de toute pollution, dans l’observatoire de Mauna Loa. Depuis 1958, celui-ci mesure l’évolution du CO2 présent dans l'atmosphère. Il a permis de tracer la courbe de Keeling (du nom de son fondateur), qui fait apparaître un autre phénomène : les variations - de l'ordre de plus ou moins 3 ppm - de la concentration selon les saisons. Pendant l’hiver, les végétaux de l’hémisphère nord relâchent du CO2 en perdant leurs feuilles, jusqu’à un pic en mai. Puis, au printemps et à l’été, ils recommencent à capter du carbone. Le point bas est atteint au mois de septembre.

La courbe de Keeling, qui montre la concentration (donnée en parties par million) de CO2 dans l'atmosphère, depuis 1958. © Scripps institution of oceanography

Pour évaluer les concentrations de CO2 antérieures à 1958, on utilise la technique du carottage glaciaire. Une méthode française, mise au point en 1980, qui s’appuie sur l’analyse de bulles d’air piégées dans la glace.

Ces techniques nous montrent une chose : « Il faut remonter à 3 millions d’années, lors du Pliocène, pour retrouver ces taux », a rappelé le paléoclimatologue Gilles Ramstein sur Mediapart. La température était alors de 2 à 3 degrés supplémentaires, le niveau des océans supérieur de 15 mètres, les calottes glaciaires absentes.

A l’époque, le climat était à l’équilibre et se mettait lentement en place. « En quelques siècles, on change le contenu atmosphérique de façon fulgurante et la calotte ne réagit pas immédiatement » explique Ramstein. Du fait de cette inertie : « Si on reste plusieurs siècles avec ce CO2, l’océan continuera de se réchauffer et les calottes de fondre ».

La justice européenne sonne la fin de la chasse à la glu

Merle adore ! Mercredi, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a confirmé l'interdiction de la chasse des oiseaux à la glu

La France était le dernier pays en Europe à autoriser cette pratique d'un autre âge, qui consiste à enduire des arbres de colle pour piéger grives et merles noirs. Les oiseaux sont ensuite attrapés vivants, et les chasseurs les font chanter pour attirer d'autres volatiles à tirer.

Le piégeage à la glu avait été suspendu à l'été 2020, après que la Commission européenne avait sommé la France de se mettre en conformité avec la « directive Oiseaux ». Un texte, vieux de 11 ans, qui protège les oiseaux sauvages.

En 2019, les associations One Voice et la Ligue de protection des oiseaux (LPO) avaient saisi le Conseil d'Etat pour interdire les arrêtés autorisant la chasse à la glu dans cinq départements français. Celui-ci avait alors interrogé la CJUE qui confirme, dans un arrêt rendu mercredi, que cette pratique est contraire au droit européen. 

Non-sélectif, le piégeage est susceptible d'entraîner des « prises accessoires », causant des dommages à d'autres espèces que les merles et grives. « Les gluaux [les baguettes enduites de colle - NDLR] sont par nature susceptibles d’endommager le plumage de tous les oiseaux capturés », indique la Cour. 

Brandi par la Fédération nationale des chasseurs (FNC), le « caractère traditionnel » de cette méthode n'a pas suffi à convaincre les juges. De quoi faire enrager le tonitruant patron de la FNC qui concède une « défaite » : « Politiquement, la France veut détruire cette chasse, a maugréé auprès du Monde Willy Schraen. On veut empêcher des irréductibles d’attraper quelques milliers d’oiseaux qui ont parfois un peu de mal à voler... C’est du dogmatisme et de l’idéologie. » Eclairé par la CJUE, le Conseil d'Etat devra se prononcer à son tour. 

La « mafia » du recyclage du plastique

En cette journée internationale du recyclage, rappelons cette évidence : n’en déplaise à Citeo et aux fabricants de plastique, le meilleur déchet est celui qu’on ne produit pasDans cette courte vidéo, M. et Mme recyclage démontent le mythe d’un recyclage « circulaire » et vertueux, et racontent les dessous et l'entre-soi d'une filière opaque. 

Sur le site de ces « consultants indépendants en ingénierie environnementale », vous trouverez une foule de vidéos, de fiches et d'infographies pour mieux comprendre l'univers des déchets. 

© M. et Mme recyclage

+ Tristan Saramon a contribué à ce numéro.