Le pédago

Report modal : plus facile à dire qu’à faire

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Voy­age, voy­age. Pre­mier émet­teur de gaz à effet de serre en France avec 31 % des émis­sions, le secteur des trans­ports doit impéra­tive­ment faire sa tran­si­tion. Celle-ci porte le nom de « report modal », soit le trans­fert de passager·ères d’un mode de trans­port vers un autre. Et plus par­ti­c­ulière­ment, de la voiture indi­vidu­elle — qui représente 85 % des kilo­mètres par­cou­rus et plus de la moitié des émis­sions du secteur — vers des trans­ports plus écologiques comme la marche, le vélo ou les trans­ports en com­mun.

Les poli­tiques publiques, nom­breuses, visent en par­ti­c­uli­er à ren­dre ces modes de trans­port finan­cière­ment attrac­t­ifs : une quar­an­taine de col­lec­tiv­ités ont ain­si opté pour ren­dre les trans­ports en com­mun (qua­si­ment) gra­tu­its, selon l’Observatoire du trans­port gra­tu­it. Nom­bre d’entre elles sub­ven­tion­nent égale­ment l’achat de vélos, le cov­oiturage, etc.

Une ini­tia­tive venant d’Autriche fait même le buzz chez plusieurs de nos voisins : la mise en place d’abon­nements illim­ités et à bas prix des­tinés à favoris­er le train (Vert). Le suc­cès sem­ble sai­sis­sant : +42% de voy­ages en train cet été en Alle­magne ! Mais en réal­ité, le report modal reste assez faible : le ser­vice alle­mand de la sta­tis­tique n’a pas con­staté de baisse sig­ni­fica­tive du traf­ic routi­er, con­clu­ant plutôt à « une hausse général­isée des voy­ages » plutôt qu’à un réel trans­fert de la voiture vers le train.

Hélas, « une tar­i­fi­ca­tion attrac­tive ne peut pas tout », explique Neil Makaroff à Vert. Selon le respon­s­able des poli­tiques européennes du Réseau action cli­mat, « il faut aus­si que l’in­vestisse­ment dans les infra­struc­tures soit à la hau­teur pour garan­tir un mail­lage, une fréquence et un niveau de ser­vice suff­isant ». Or, d’après l’Obser­va­toire de la mobil­ité, 18 mil­lions de per­son­nes (27 % des Français·es) sont aujourd’hui privées d’accès à un réseau de trans­ports publics. Surtout, « on reste dans la mise en avant de cer­tains trans­ports alter­nat­ifs tout en con­tin­u­ant de soutenir mas­sive­ment la voiture indi­vidu­elle », souligne Aurélien Bigo, auteur d’une thèse sur la tran­si­tion écologique des trans­ports (Vert).

Exem­ple frap­pant : le déblocage par le gou­verne­ment de 250 mil­lions d’eu­ros pour la pour­suite du plan vélo en 2023 tan­dis qu’au même moment, une ris­tourne à la pompe de 4,4 mil­liards d’eu­ros est accordée aux auto­mo­bilistes. Pour espér­er met­tre un terme à l’hégé­monie de la voiture indi­vidu­elle, les chercheurs pré­conisent de réduire la vitesse en ville et sur les routes, de réduire le sta­tion­nement, mais aus­si, plus générale­ment, de repenser l’ensem­ble des modes de vies pour plus de prox­im­ité (plus de télé-tra­vail, moins de zones com­mer­ciales, etc).