Juliette Quef - vert.eco

Mateo Bales et Louan­ne­Man­Show sont deux «petits plaisan­tins des Inter­nets». Mateo crée des sketchs sur Insta­gram et YouTube, tout comme Louanne qui embar­que ses abon­nés lors de ses voy­ages. Elle a pub­lié un livre, Presque adulte, et sor­ti un doc­u­men­taire, En quête du cabanon, à l’automne dernier. À Vert, elle et il racon­tent leur dernier voy­age en train qui a duré deux mois et les a menés en Grèce, et leurs aven­tures les plus inso­lites.

Pourquoi êtes-vous allés jusqu’en Grèce en train ?

Louanne : L’idée était d’aller dans l’endroit le plus prisé des influ­enceurs, à San­torin [une île grecque, NDLR], et de cal­culer l’empreinte car­bone de tout le voy­age — ce voy­age était spon­sorisé par une boîte suisse qui par­le de décar­bon­a­tion. On a fait un petit car­net avec toutes les sta­tis­tiques, les kilo­mètres par­cou­rus, l’alimentation végé­tari­enne… et j’ai trans­mis ces infor­ma­tions aux deux sci­en­tifiques qui nous suiv­aient. C’est devenu un pro­jet engagé.

Mateo : Pour nous, l’important, c’est de mon­tr­er tout ce qu’on loupe sur le chemin lorsqu’on voy­age en avion. On veut mon­tr­er qu’on kiffe et qu’on passe des voy­ages de ouf alors qu’on ne part pas dans des hôtels de luxe et qu’on ne prend pas l’avion.

Louanne et Mateo dans le train. © DR

Qu’est-ce que vous retenez de ce voyage ?

Mateo : Nous sommes par­tis deux mois ; c’est génial de par­tir longtemps. Tu as le temps de tomber malade, de te rétablir, de t’établir quelque part, de ren­con­tr­er des gens. Pour moi, ce voy­age a été comme ces boules qu’on sec­oue avec de la neige dedans : très intense, avec beau­coup de choses. On s’est ren­du compte qu’en Europe, on peut aller partout, c’est sim­ple. Quand on a galéré à pren­dre un bus, ça s’est résolu en dix min­utes.

Louanne : Le mood était vrai­ment cool. Le fait qu’on tra­vaille sur le chemin m’a fait kif­fer ; ça a été un flux de créa­tiv­ité. J’en retiens aus­si beau­coup de lib­erté. Glob­ale­ment, c’est facile de voy­ager en Europe, il y a Google partout. Ça ne m’est jamais arrivé de galér­er, même s’il n’y a pas beau­coup de trains dans les Balka­ns, dans le sud de l’Europe. J’aime cette manière de voy­ager où on se dit qu’on ne prévoit rien et qu’on ne sait pas où on va le lende­main. Je trou­ve que c’est libre, fun, on est ouverts aux ren­con­tres, aux endroits où l’on décide de se pos­er.

Mateo et Louanne pen­dant leur voy­age © DR

Ça fait quoi de voyager autrement ?

Mateo : J’étais surtout très ent­hou­si­aste à l’idée de décou­vrir des choses qu’on a pas vues sur Inter­net. Par exem­ple, je n’avais jamais vu de vlog sur une ville en Alban­ie.

Louanne : Ce qui m’intéresse, c’est la vie quo­ti­di­enne, plutôt qu’un truc qui n’existe pas. Je ne serais jamais allée à San­torin autrement. J’aime la vie quo­ti­di­enne ; arriv­er dans une ville et se deman­der ce qu’on fait là. On est tombé sur les plus beaux endroits, sim­ple­ment parce qu’on a demandé au marc­hand de légumes les lieux qu’il aimait dans le coin.

Mateo : On a aus­si suivi de près le voy­age de Johan et Vic­to­ria [deux créateur·ices de con­tenu qui se sont rendu·es en Inde en train, NDLR]. Ils étaient au Tibet pen­dant qu’on était en Grèce. J’avais l’impression qu’on fai­sait le voy­age ensem­ble, en quatuor.

Quels sont les dessous des belles images de la Grèce sur Instagram ?

Mateo : San­torin, c’était l’objectif du voy­age et le lieu le plus par­a­disi­aque. En jan­vi­er, il n’y avait aucun touriste, mais beau­coup de gens qui pré­paraient les maisons blanch­es aux toits bleus. J’ai été choqué par tous ces gens qui con­stru­i­saient des hôtels resorts [des ensem­bles d’hôtels, NDLR]. On avait l’impression d’être dans les couliss­es d’un théâtre. C’est Dis­ney­land.

Louanne sur l’île grecque de San­torin © Compte Insta­gram de Louan­ne­Man­Show

Louanne : L’île est mer­veilleuse. Mais moi aus­si, j’ai été choquée par tous les resorts qui pro­posent un jacuzzi par cham­bre. Il y en a des cen­taines. La nature est incroy­able, mais les hôtels pom­pent toutes les ressources. Pen­dant une ran­do entre deux villes, nous avons vu que les resorts bouf­faient com­plète­ment la nature. Les chantiers s’étendent sur des kilo­mètres. J’ai gran­di dans une sta­tion de ski, je con­nais le principe.

Quelle a été la situation la plus drôle ?

Mateo : C’est une sit­u­a­tion qui ne l’était pas à la base. Par exem­ple, cette dame qu’on a ren­con­trée dans le train. Quand elle est entrée dans le wag­on, on avait posé la caméra au sol qui était en train de filmer et elle lui a mis pleine lucarne [elle a shooté dedans, NDLR]. C’était notre voi­sine de cab­ine, elle était très bizarre. Elle nous a pro­posé de la vod­ka avec sa fiole ; elle s’est mise cul nul pour se chang­er dans la cab­ine.

Louanne : Elle a mis un truc de gros beauf sur son enceinte — le chanteur Akon -, et ses lunettes de soleil. Puis, elle est par­tie finir sa clope avant de s’endormir con­tre Mateo.

Comment vous vous occupiez dans le train ?

Louanne : On fil­mait énor­mé­ment de plans pour les poster sur Insta­gram et Pin­ter­est. On a fait beau­coup de mon­tages. Mais au final, on se dit tou­jours qu’on va faire beau­coup de choses. En réal­ité, je regar­dais le paysage. J’écrivais dans mon car­net comme un poète mau­dit.

Mateo : J’écrivais mes vidéos. Je cher­chais des idées, on brain­stor­mait. Louanne écrit avec un sty­lo, mais moi, j’écrivais tout sur mon télé­phone, parce que j’ai besoin de pren­dre le moins d’affaires pos­si­ble.

Louanne : Oui, le car­net c’est tout un rit­uel. Avant le jour du départ, je vais tou­jours en acheter un dans une librairie dans une petite rue à Paris. J’ai trou­vé le car­net par­fait : la taille, les couleurs, incass­able. Je suis une aven­turière très casanière, j’adore la mai­son. Avant de par­tir, il me faut un moment solen­nel où je me dis que le voy­age com­mence.

Louanne et Mateo ont pho­tographié tout leur voy­age. ©DR

Avez-vous une recommandation culturelle pour les longs trajets ?

Mateo : Le bureau des légen­des, on n’a regardé que ça.

Louanne : Les livres d’Ella Mail­lart, je suis fan de cette explo­ratrice.

Un accessoire à ne surtout pas oublier ?

Mateo : J’ai besoin des trucs pra­tiques : une tenue, mon télé­phone et ma CB. On peut par­tir en voy­age avec rien. Tant que tu as ton passe­port, tu peux t’en sor­tir.

Louanne : Je n’ai pas eu d’argent pen­dant la moitié du voy­age. Je me suis fait hack­er ma carte ban­caire : quelqu’un a pris 300 balles de Mcdo sur ma carte. J’ai dû faire oppo­si­tion, et j’étais dépen­dante de Mateo. Il payait tout au resto : mon esprit fémin­iste en a pris un coup. Il était là avec son porte­feuille de macho. Voilà, j’ai vécu aux cro­chets de Mateo.

Mateo : Ah si, ne pas oubli­er une ton­deuse !

Louanne, tu as coiffé Mateo chaque jour différemment, c’est un défi que vous vous êtes lancé ?

Mateo : Ça fait cinq ans que j’ai les cheveux longs jusqu’aux épaules. C’est pénible, il faut les laver. J’avais envie de me les couper et en arrivant à la cap­i­tale du Mon­téné­gro [Pod­gor­i­ca, NDLR], je me suis promis qu’à la fin du voy­age, on me raserait le crâne. Pour célébr­er les cheveux, j’ai demandé à Louanne de me faire une coupe dif­férente chaque jour. Comme elle est fille de coif­feuse, elle s’en est don­née à cœur joie : tress­es, pom­pons, crêtes de pom­pons, frisot­tis. Ça a duré une dizaine de jours. Quand nous sommes arrivés à San­torin, nous nous sommes posés pen­dant 3 heures pour me ras­er la tête : on n’avait qu’une ton­deuse à barbe.

Mateo Bales coif­fé par Louan­ne­Man­Show. © Compte Insta­gram de Mateo Bales

Louanne : Je me suis régalée. Il faut savoir que je suis très fan de Justin Bieber depuis 2009, et Mateo a exacte­ment la même couleur de cheveux que lui.

Mateo : J’ai appris toute la chorée de Baby.

Le truc le plus improbable qui vous soit arrivé ?

Louanne : Quand je voy­age, je reçois des tonnes de mes­sages de gens de ma com­mu­nauté qui me dis­ent de venir chez eux. Je le fais sou­vent, car c’est mar­rant. On a des abon­nés partout. J’ai reçu un mes­sage de Char­lotte qui habite à Mostar, en Bosnie. On a eu un coup de cœur pour elle, on a passé qua­tre jours chez elle. Ensuite, nous avons rejoint deux meufs stylées qui voy­ageaient en van. On a voy­agé cinq jours ensem­ble. On est devenus des copines, elles avaient un petit chien qui nous a pété dessus. Elles nous ont amené chez Damien, 50 ans qui avait un bateau. C’était incroy­able, son bateau était dans une mari­na à quai pour être réparé. On a passé deux jours chez lui. Donc le plus improb­a­ble, c’est les ren­con­tres avec les abon­nés.

Mateo : On a aus­si ren­con­tré des Français par hasard. On s’est retrou­vé aux Météores, en Grèce, on a fait une ran­do pour vis­iter des collines de ouf et un monastère avec une super vue. Nous avons fait du stop et on est tombés sur un cou­ple de Français. À ce moment-là, un groupe de 5–6 Français sor­tait du monastère. On s’est retrou­vés à huit avec un chien dans un van de deux voyageurs qui nous ont descen­dus à la ville. On a bu un coup. Cer­tains nous suiv­aient sur les réseaux soci­aux. Il y avait un groupe de cyclistes qui par­court le monde depuis des années à vélo, deux reve­naient de Turquie, une par­tait en Chine, les autres étaient en tour du monde. C’était la ren­con­tre de deux mon­des : ceux qui vivent dehors et ceux qui vivent dans les trains.

Quelles ont été les réactions de votre communauté à ce voyage ?

Mateo : À la base, je ne fais pas de voy­age sur mes réseaux, du coup les gens ont été sur­pris. Ça a créé une nou­velle dynamique, ça m’a fait per­dre des fol­low­ers aus­si. Quand tu changes de con­tenu, c’est le risque. D’habitude, je fais des sketchs. Mais glob­ale­ment, les gens ont kif­fé et suivi. Quand on est ren­trés, j’ai reçu des cen­taines de mes­sages.

Louanne : Ma com­mu­nauté est habituée, car je voy­age sou­vent. J’ai beau­coup aimé celui-ci, car il y avait tous les aspects : des moments posés, des endroits par­a­disi­aques, des moments de galère, un peu toutes les sortes de voy­age, tout le monde a pu s’identifier. J’ai gag­né beau­coup d’abonnés sur Ins­ta. Mon mes­sage, c’est : créez-vous vos pro­pres aven­tures et prof­itez du chemin !